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"Tom à la ferme" et Xavier Dolan dans un thriller dérangeant

A 25 ans, Xavier Dolan a déjà cinq films derrière lui et huit Prix au compteur, en attendant "Mommy" qui fait partie des pronostics les moins risqués en vue du prochain Festival de Cannes. Tous ses films sont du meilleur cru, plaçant le jeune réalisateur confirmé comme une des valeurs les plus sûres du cinéma. Ce que ne dément pas "Tom à la ferme", thriller psychologique,atypique et dérangeant.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Pierre-Yves Cardinal et Xavier Dolan devant et derrière la caméra de "Tom à la ferme"
 (Clara Palardy)

De Xavier Dolan (Canada/France), avec : Xavier Dolan, Pierre-Yves Cardinal, Lise Roy, Evelyne Brochu - 1h42 - Sortie : 16 avril 2014

Synopsis : Un jeune publicitaire de Montréal voyage jusqu'au fin fond de la campagne pour des funérailles et constate que personne n’y connaît son nom ni la nature de sa relation avec le défunt. Lorsque le frère aîné de celui-ci lui impose un jeu de rôles malsain visant à protéger sa mère et l'honneur de leur famille, une relation toxique s'amorce bientôt pour ne s'arrêter que lorsque la vérité éclatera enfin, quelles qu'en soient les conséquences...

Maîtrise hitchcockienne
Incroyable, le talent dont fait preuve Xavier Dolan qui en cinq film n'a fait aucun faux pas. Sélectionné dès son premier long métrage, "J'ai tué ma mère", à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2009, où il rafle trois Prix, il revient par deux fois à Un certain regard avec "Les Amours imaginaires" et "Laurence Anyway". Non content de ce beau palmarès, le jeune cinéaste québécois remporte le Prix Fipresci (critique internationale) à la dernière Mostra de Venise avec  "Tom à la ferme", le jury voyant dans le film sa réalisation la plus aboutie.

Dolan maîtrise la mise en œuvre de ses films de bout en bout, en multipliant les casquettes : producteur, scénariste, monteur, costumier, acteur. Il tient tous ces rôles dans "Tom à la ferme". Il ne manquerait plus qu'il compose la musique encore ! Un tel talent frise l'indécence ! Et il y en a dans son dernier film qui se résume quasiment à quatre personnages, presque en huis-clos dans une ferme perdue au milieu de nulle part. Dolan prend son temps pour installer son intrigue maladive, comme le ferait un Hitchcock, faisant monter progressivement une  tension de plus en plus forte, avec ses moments de violence, jusqu'à un climax orchestré de main de maître.

Xavier Dolan devant et derrière la caméra de "Tom à la ferme"
 ( © Clara Palardy)

Puissance rustique
La comparaison avec le grand Hitch émane également pour beaucoup de l'excellente musique de Gabriel Yared, dont les cordes prépondérantes sont tout en référence à Bernard Hermann, qui composa à maintes reprises pour le réalisateur de "Psychose". Dolan instaure d'emblée un lourd climat. Il ne fera qu'empirer, avec la rencontre entre Tom, ce citadin policé (Xavier Dolan), et Francis, cet éleveur rustre (Pierre-Yves Cardinal) qui le brutalise pour le faire entrer dans son jeu, afin de protéger sa mère d'un secret. La relation entre les deux hommes devient de plus en plus ambiguë, entraînant Tom à rester plus que de raison dans cette ferme du bout du monde, comme s'il prenait plaisir à une soumission imposée.

Mais Francis est aussi détenteur d'un secret et sa révélation va faire précipiter les choses jusqu'à une résolution dangereuse pour Tom. Adapté de la pièce éponyme de Michel-Marc Bouchard par Xavier Dolan, tant au scénario qu'aux dialogues, "Tom à la ferme" tient toutes les promesses d'un thriller aux résonnances étranges, où s'imbriquent non-dits familiaux, tabous et violence. Le film n'est pas sans rappeler l'excellent "Bullhead" de Michael R. Roskam, où Matthias Shoenaerts tenait un rôle rappelant celui de Francis chez Dolan, par sa puissance rustique. Avec "Tom à la ferme", le jeune Québécois s'échappe quelque peu du seul champ du film d'auteur, dans lequel il est cantonné. Il ne s'en départit pas totalement par son originalité et sa capacité de renouvellement, mais s'adapte au cinéma de genre en lui apportant un traitement résolument personnel. Troublant. 

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