Tim Burton au plus noir avec "Miss Peregrine et les enfants particuliers"
Shoah
Tim Burton est sur un boulevard quand il adapte l'étrange roman pour la jeunesse de Rabsom Riggs. Il n'a pu se sentir que concerné, sinon fasciné, par "Miss Peregrine et les enfants particuliers", écrit à partir de photographies d'enfants mettant en scène leurs dons de lévitation, d'invisibilité, de force herculéenne… Une nichée qui n'est pas sans rappeler la troupe de monstres de foire rassemblés dans "Freaks" (1932) de Tod Browning, film avec lequel Burton entretient des liens… particuliers. Si le sujet est coutumier du réalisateur, c'est la première fois qu'il tourne une action se déroulant en Europe, de plus, en 1943, en pleine Guerre mondiale.Ce contexte donne une couleur très particulière à son film qui, par résonnance, aborde des sujets en abîme, jamais traité par le cinéaste, comme la guerre, la Shoah, les rafles, les médecins nazis… Amoureux du Fantastique, qu'il traite dans ses films en terme de Fantasy, sinon de fantaisie - mais jamais sous l'angle horrifique ou de l'épouvante -, Burton s'y adonne dans plus d'une scène, dans une atmosphère très sombre. Même s'il ne résiste pas à faire appel à son humour et au grotesque surréalisant habituels, ou au glamour, ici personnalisé par une Eva Green toujours sublime, à laquelle il avait déjà fait appel dans "Dark Shadow".
L'ombre d'Edward
Pas étonnant que "Miss Peregrine et les enfants particuliers" soit déconseillé aux moins de 10 ans. Cinéaste cinéphile, Burton enquille les citations, "Freaks", déjà évoqué, "L'homme invisible", les films de Hammer ou la série Poe de Roger Corman, "Jason et les Argonautes", "Le Labyrinthe de Pan", "Toy Story 2", "Titanic"… Ses films sont toujours nourris de citations. Mais ici, c'est un festival. Manque d'inspiration ? Sûrement pas. Seulement le plaisir irrésistible de rendre hommage au cinéma qu'il aime et l'a nourri.
Riche dans son sous-texte et ses images toujours somptueuses, en totale cohérence avec son univers thématique et visuel, "Miss Peregrine et les enfants particuliers" est du Tim Burton pur sucre. Il pousse même le bouchon jusqu'à s'auto-citer dans les bosquets taillés du jardin, tout droit sortis d'"Edward aux mains d'argent" (sans doute un des pensionnaires absents de Miss Peregrine). C'est peut-être toutefois un peu trop. De plus, son film manque parfois de cohésion narrative (l'ellipse entre la visite dans le bateau immergé et le retour au manoir), ou est freiné par un rythme alangui. "Miss Peregrine" n'en reste pas moins pourvu de plus d'un atout, ne serait-ce que dans la composition de Samuel L. Jackson en docteur fou. Délirant. Rendre une visite à "Miss Peregrine et les enfants particuliers" s'impose.
LA FICHE
Fantastique de Tim Burton (France) - Avec : Eva Green, Asa Butterfield, Samuel L. Jackson, Judi Dench, Ella Purnell, Terence Stamp, Rupert Everett - Durée : 2h07 - Sortie : 5 octobre 2016
A partir de 10 ans
Synopsis : À la mort de son grand-père, Jacob découvre les indices et l’existence d’un monde mystérieux qui le mènent dans un lieu magique : la Maison de Miss Peregrine pour Enfants Particuliers. Mais le mystère et le danger s’amplifient quand il apprend à connaître les résidents, leurs étranges pouvoirs… et leurs puissants ennemis. Finalement, Jacob découvre que seule sa propre "particularité" peut sauver ses nouveaux amis.
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