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"Theeb - la naissance d'un chef", western lyrique jordanien

Jeune réalisateur jordanien, Naji Abu Nowar est la révélation de cette fin d’année, avec son premier film "Theeb - la naissance d'un chef", projeté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, sélectionné dans deux catégories aux Bafta britanniques et dans la section meilleur film étranger aux Oscars. Empruntant au Western européen, projeté dans la péninsule arabique de 1916, un film fort et beau.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Jacir Eid dans "Theeb" de Naji Abu Nowar
 (Laith Al-Majali)

Il était une fois en Jordanie

Ancré dans la culture jordanienne, par ses extérieurs splendides et son thème initiatique, "Theeb" aborde les liens fraternels entre deux jeunes bédouins sous une forme westernienne, tout en référence à la veine italienne du genre. Ses paysages arides rappellent le Nouveau Mexique des films de Leone, Corbucci ou Matteï, tout comme l'art d’aborder des thèmes iconoclastes en respectant les codes du genre.
Ce n'est pas tant le contexte historique de la présence britannique en Jordanie que traite le film, mais les conséquences de cette colonisation, entraînant l’exportation de la Révolution industrielle occidentale dans une civilisation séculaire, menacée de disparaitre. Tout comme dans "Il était une fois dans l'Ouest" (1969, Sergio Leone), l'arrivée du train dans la société bédouine symbolise le passage d'une ère à l'autre. Ce qui se vérifie dans le temps historique, se reflète dans l'initiation du jeune Theeb par son frère, pour transformer l'enfant en adulte..
 Jacir Eid et Hassan Mutlag dans "Theeb" de Naji Abu Nowar
 (Laith Al-Majali)

Lyrisme

Mais les temps changeant, ce sont d'autres épreuves qui l'attendent, beaucoup plus violentes, signes du bouleversement des temps. En traitant le thème initiatique sous une forme westernienne imprégnée de violence, Naji Abu Nowar suit la voie d’Alexandro Jodorowsky dans "El Topo" (1970), ou de la saga japonaise "Baby Cart "(1972-73) de Kenji Msumi qui relève du film de sabre. "Theeb " reste toutefois moins sanglant, privilégiant l’ancrage dans la culture jordanienne et plus globalement saharienne, pétrie d’hospitalité et de traditions, garantes de la cohésion familiale et sociale.

"Theeb - la naissance d'un chef" de Naji Abu Nowar
 (Laith Al-Majali)

Emerge également la part spirituelle et poétique, que galvanise la splendide photographie des monts Sarawat, érigés tels de majestueux cristaux azurés, comme descendus du ciel, ou identifiés dans leurs défilés à la Monument Valley filmée par John Ford dans ses westerns. La nuit du désert, parfois nimbée d’émeraude, d’où se détache à peine une silhouette ; les reflets au fond des puits d’eau, si précieux, le disque cuivré de la Lune… traduisent la sublimation d’une Terre cosmique. Naji Abu Nowar atteint l’équilibre entre son message ethnique et une forme ludique, dans un poème filmique digne de la tradition lyrique arabe.

"Theeb" : l'affiche française
 (Jour2fête)

LA FICHE

Drame de Naji Abu Nowar (Jordanie/Emirats/Qatar/Grande-Bretagne), avec : Jacir Eid, Hassan Mutlag, Hussein Salameh - Durée : 1h40 - Sortie : 23 novembre 2016

Synopsis : Péninsule Arabique, 1916, sous l'occupation britannique.Dans un campement bédouin, au coeur du désert, le jeune Theeb, 10 ans, vit avec son grand frère Hussein, qui lui transmet les traditions ancestrales. Une nuit, un officier britannique s'invite dans la communauté : Hussein accepte de le guider à la recherche d'un puits, sur la route de la Mecque. Mais Theeb refuse de se séparer de son frère et décide de les suivre à distance...

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