"The Young Lady", drame historique entre "Lady Chatterley" et les sœurs Brontë
Féminisme
Ce n’est pas un hasard si l’écrivain russe se référait à la pièce de Shakespeare du XVIe siècle pour un roman situé en Russie au XIXe. Les commentateurs de "The Young lady" renvoient parfois par ailleurs à d’autres auteurs d'époques différentes, voire à Hitchcock. Au regard de ce dernier, l’on peut en effet parler du film comme d'un thriller, si le terme n’était pas identifié à des veines livresque et cinématographique très contemporaines, le polar et le film noir. Cet universalisme et cette intemporalité du sujet sont dans la femme qui n’a de cesse d’interroger la production artistique, les études historiques, sociologiques, politiques… depuis toujours, majoritairement par les hommes. Il s’exprime par exemple, aujourd’hui, dans le débat sur la parité.Dans "The Young lady", Katherine, 19 ans, est mariée à un hobereau rustre et dominateur de deux fois son âge, qui lui interdit de mettre le nez dehors, l'astreignant à sa seule compagnie, celle de son beau-père et des domestiques. Elle, telle une héroïne des sœurs Brontë, n’aspire qu’à battre la campagne, traverser la lande, et les bois. Pas étonnant que comme Lady Chatterley elle tombe sous le charme d’un homme qui les habite, un palefrenier, employé de son mari, avec lequel elle va vivre une passion dévorante qui la mènera à commettre des actes dignes de la Lady Macbeth du titre original.
Violence et passion
L’identification à l’héroïne shakespearienne renvoie à la prise de pouvoir, non pas du royaume d’Ecosse comme dans la pièce, mais d’elle-même. Avec pour conséquence l’enchaînement inéluctable de crimes pour cacher le précédent, comme une fuite en avant autodestructrice. William Oldroyd capte parfaitement l’isolement de sa "Young lady" placée sous la férule d’un propriétaire terrien qui en a fait sa propriété, tel un lopin de terre qu’il laboure de son mépris, son humiliation et sa brutalité. Le récit va plus loin que l’ennui prodigué par un Charles Bovary sur son Emma, chez Flaubert, ou le dédain subi par la Jeanne d’"Une vie" de Maupassant. C’est la violence qui domine ici.
L’image froide, sinon glaciale du film, capte l’insensibilité dans laquelle baigne Katherine. Son réveil n’en sera que plus brutal et violent pour faire naître la seule couleur chaude du film, le rouge sang de ses victimes. La jeune comédienne britannique Florence Pugh qui l’interprète est une révélation dans sa composition tout en retenue qui joue d’un visage juvénile, d’une prestance gracieuse et élégante, sous laquelle couve la frustration des passions interdites. Tenu pour un des plus grands maîtres de la littérature russe, Nikolaï Leskov se voit adapté en continuité avec le nihilisme auquel il est identifié. Le jeune réalisateur William Oldroyd le projette dans un thriller historique aux résonances contemporaines, avec un romanesque envoûtant.
LA FICHE
Drame de William Oldroyd (Grande-Bretagne) - Avec : Florence Pugh, Cosmo Jarvis, Paul Hilton, Naomi Ackie, Christopher Fairbank - Durée : 1h29 - Sortie : 12 avril 2017
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Synopsis : 1865, Angleterre rurale. Katherine mène une vie malheureuse d’un mariage sans amour avec un Lord qui a deux fois son âge. Un jour, elle tombe amoureuse d’un jeune palefrenier qui travaille sur les terres de son époux et découvre la passion. Habitée par ce puissant sentiment, Katherine est prête aux plus hautes trahisons pour vivre son amour impossible.
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