"The Strangers", un thriller fantastique coréen à couper au couteau
Naturalisme
Trois films, trois sélections à Cannes. "The Chaser" fut présenté hors compétition en séance de minuit, "The Murderer" à "Un certain regard", "The Strangers", hors compétition en séance de minuit, où sont projetés les longs métrages violents, aux sujets sulfureux, ou issus de la pop culture. "The Strangers" se moule parfaitement dans le cadre. Une entrée en matière qui prédit sans doute l'arrivée prochaine de Kwak Do-Wong en compétition. Le Coréen s'est forgé un style reconnaissable entre tous, dans son adhésion au cinéma de genre, la tension constante de ses films et sa mise en scène nerveuse.Au-delà du thème de la possession démoniaque qui habite "The Strangers", Kwak Do-Wong a des affinités avec William Friedkin, le réalisateur de "L'Exorciste" (1973). Comme le cinéaste américain, il peaufine une approche hyperréaliste de la mise en images, un montage au cutter, des atmosphères glauques, une violence sans fard, jamais gratuite… Avec son dernier film, il exacerbe son approche réaliste, touchant au naturalisme, en filmant au plus près le cadre de son action, une province rurale coréenne qui a fait l'objet de longs repérages. Cet environnement est au cœur du récit, le titre original reprenant le nom de cette région, "Goksung", où perdure une culture animiste, les rites chamaniques, mélangés au bouddhisme, en parallèle au christianisme.
Un manichéisme mis à mal
"The Strangers", tourné en location et non en studio (comme les films de Friedkin), transpire le réel. Les nombreuses scènes de pluie, le plus souvent tournées au rythme des vraies perturbations locales, accentuent le réalisme et dramatisent l'action. Les maisons et intérieurs sont de véritables habitations, la longue et étonnante cérémonie chamanique a fait appel à de vrais officiants, et de réels objets rituels participent d'un plan séquence d'un quart d'heure tourné à six caméras. Les scènes de crime sont crasseuses, chaotiques, dévoilant à peine des bouillies sanglantes indistinctes, où la notion de corps perd son sens…
Glissant progressivement dans le fantastique, l'enquête policière s'embourbe dans une distinction floue entre le bien et le mal (autre thème friendkien), plusieurs suspects passant d'un bord à l'autre jusqu'à un climax où la confusion est à son comble.
Au cœur du récit, Jon-Goo (Kwack Do-Won, vu dans "Mother", "The Murderer", "Le Bon, la brute et le cinglé"…), inspecteur de police chargé de l'enquête et dont la fillette a tous les symptômes de la possession. La résolution des meurtres rituels qui ensanglantent la région, se double de sa volonté d'extirper son enfant du sort qui pèse sur elle. Le premier suspect, un étranger japonais vivant en ermite dans la montagne, qualifié de "fantôme", renvoie au spectre de l'invasion japonaise en Corée qui a laissé des traces indélébiles dans la péninsule. Les rapports entre l'enquêteur et son partenaire insufflent des notes d'humour qui aèrent une tension à couper au couteau. Kwak Do-Wong rythme avec dextérité son film sur ses 2h36, sans jamais mollir, ni éroder l'attention ou la tension. "The Strangers" s'avère un chef-d'œuvre du genre, déjà un classique.
LA FICHE
Thriller fantastique de Na Hong-jin (Corée du Sud) - Avec : Kwak Do-Won, Hwang Jeong-min, Chun Woo-hee, Jun Kunimura - Durée : 2h36 - Sortie : 6 juillet 2016
Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
Synopsis : La vie d’un village coréen est bouleversée par une série de meurtres, aussi sauvages qu’inexpliqués, qui frappe au hasard la petite communauté rurale. La présence, récente, d’un vieil étranger, japonais, qui vit en ermite dans les bois, attise rumeurs et superstitions. Face à l’incompétence de la police pour trouver l’assassin ou une explication sensée, certains villageois demandent l’aide d’un chaman. Pour Jong-gu aussi , un policier dont la famille est directement menacée, il est de plus en plus évident que ces crimes ont un fondement surnaturel…
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