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"The Big Short" d'Adam McKay : une plongée loufoque au cœur de Wall Street

Avec "The Big short : le casse du siècle", Adam McKay nous livre un film de banquiers aux faux airs de docu-fiction. Le résultat est tout à la fois infiniment réaliste et savoureusement déjanté.
Article rédigé par franceinfo
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Hamish Linklater, Rafe Spall et Ryan Gosling dans "The Big Short"
 (2015 Paramount Pictures.)

Adam McKay, c'est le poids lourd de la comédie US régressive, barrée et un peu lourdaude des années 2000. Celui qui a donné à Will Ferrel ses rôles les plus gratinés. Assez surprenant donc de retrouver le réalisateur aux manettes d'un film de banquiers. Un genre aujourd'hui à part entière. En témoigne la fascination inépuisable des cinéastes pour ce grand théâtre contemporain.
 
Un genre que l'on pensait toutefois quasiment cristallisé par "Le Loup de Wall Street". Mais après Martin Scorsese, Oliver Stone ou autre J.C. Chandor, c'est maintenant au réalisateur trublion de réinventer le mythe. D'apporter son regard critique sur les turpitudes de ce cocon économique.

Un titre bien maladroit

Wall Street, 2005. Trois ans avant la crise des subprimes. Profitant de l'aveuglement généralisé puis complice des grosses banques, des médias et du gouvernement, quatre traders vont anticiper l'explosion de la bulle immobilière et spéculer contre elle. Ils vont mettre au point ce que le titre français a appelé très maladroitement "le casse du siècle".
 
En réalité, nous sommes bien loin d'un énième remake d' "Ocean's Eleven", malgré ce titre et ces acteurs de haut vol. Les personnages ont ici tous des intérêts divergents. Car si pour Jared Vennette (Ryan Gosling), cupide courtier en bourse, l'intérêt est simplement l'appât du gain, pour les autres, les raisons sont plus obscures.

Ryan Gosling dans "The Big Short"
 (2015 Paramount Pictures )
Comme pour Mark Baum (Steve Carell), outsider maladivement irascible et un tantinet idéaliste qui compte bien profiter de la faillite pour faire tomber les traders déloyaux. Michael Burry (Christian Bale, bluffant en analyste financier borgne, asocial et amateur de musique métal) découvre lui aussi que les subprimes sont des produits condamnés à imploser. Il va alors décider de parier contre, malgré l'avis de ses supérieurs.
Christian Bale dans "The Big short"
 (2015 Paramount Pictures )


Docu-fiction trash

Jamie Shipley (Fin Wittrock) et Charlie Geller (John Magaro), deux jeunes louveteaux à la tête d'un fond d'investissement et chaperonnés par un trader désabusé qui s'est retiré des affaires (Brad Pitt dans un rôle très secondaire), sentent eux aussi le vent tourner. Ils espèrent avec ce coup lancer définitivement leur carrière.
 
Adam McKay adapte là une enquête de Michael Lewis sur l'effondrement de la bulle immobilière américaine. Le résultat est une sorte de patchwork du "Loup" de Scorsese et du "Wall Street" d'Oliver Stone. Il a le réalisme du second, poussé à son paroxysme. Cette sorte de docu-fiction ne commence-t-elle pas comme un film de Michael Moore avec un générique un peu trash fait de superposition d'images d'archives ?
 

Il a surtout l'humour noir et la mise en scène déjantée du premier. Voix off omniprésente, acteurs en roue libre, rupture du 4e mur. Une réalisation on ne peut plus scorsesienne dont McKay s'amuserait presque. Le réalisateur n'hésite ainsi pas à casser son intrigue de petites pastilles pédagogiques distillées face caméra par des célébrités. On voit alors brusquement apparaître Margot Robbie, l'ex-femme de Jordan Belfort dans "Le Loup de Wall Street". Jouant son propre rôle de bombe antipathique se relaxant, verre de champagne à la main, dans un bain moussant, elle tente de nous expliquer ce qu'est un subprime.

Margot Robbie dans "Le loup de Wall street"
 (Metropolitan FilmExport)
Cette dimension explicative et un peu loufoque articulée en parallèle, n'est pas sans intérêt tant on a du mal à suivre les vrais enjeux pour les personnages. Matthew McConaughey le disait d'ailleurs déjà dans le film de Scorsese. "De toute façon, personne ne comprend rien à la finance."

Rythmé et cynique

Peu importe, l'important ici semble surtout être de saisir l'essence. Car on se laisse porter par cet ensemble volontairement foutraque. Un montage hyperactif, des images tremblantes et souvent floues, des coupes brusques et maladroites parfois en plein mouvement de caméra. L'ensemble ressemble plus à un documentaire amateur qu'au blockbuster maîtrisé auquel on aurait pu s'attendre.
 
Quelque chose de branlant dans la forme mais d'infiniment construit dans le fond. Les dialogues sont magistraux et les différentes storylines (les différents personnages ne se croisent en réalité jamais vraiment) sont amenées et traitées subtilement. De ce sujet sensible, McKay parvient à livrer un film rythmé, passionnant en n'oubliant jamais le cynisme qui a fait sa renommée. 
Comédie dramatique d'Adam McKay - Avec Christian Bale, Steve Carell, Ryan Gosling et Brad Pitt - Durée : 2h11. Sortie le 23 décembre 2015.  

Synopsis : Michael Burry, Mark Baum, Jared Vennet et Ben Rickert : des personnages visionnaires et hors du commun qui vont parier contre les banques, et tenter de rafler la mise 


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