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"Still the Water" : à mi-chemin entre les Dardenne et Terrence Malick

Après sa Caméra d'or en 1997 à Cannes ("Suzaku") et son Grand prix en 2007 pour "La Forêt de Mogari", Naomi Kawase revenait sur la Croisette en mai dernier avec "Still the Water", après avoir présenté "Hanezu, l'esprit des montagnes" (2011). Elle prolonge sa thématique écologique en explorant l’île japonaise Amami Oshima, d’où sa famille est originaire. Sensuel, spiritualiste et poétique.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
"Still the Water" de Naomi Kawase
 ( Haut et Court)
La note Culturebox
3 / 5                  ★★★☆☆

De Naomi Kawase (Japon), avec : Makiko Watanabe, Hideo Sakaki, Jun Murakami - 1h50 - Sortie : 1er octobre 2014

Synopsis : Fascinée par l’écosystème unique de l’île Amami Oshima, île subtropicale du Japon entourée d’abondants coraux d’où sa famille est originaire, Naomi Kawase explore le cycle de la vie, de la mort et de la reproduction à travers l’histoire de Ten, un garçon de quatorze ans et de son amie Kyoko.

Malick et les Dardenne rassemblés
Naomi Kawase, c'est un peu un mixage entre les frères Dardenne et Terrence Malick, par le choix de leurs sujets et leurs mises en images. Venant de la photographie et du documentaire, Naomi Kawase filme magnifiquement la nature, comme l'équivalent nippon de l'américain. Mais elle y allie à chaque fois un discours adapté à ses racines qui renvoie au duo belge. Ce n'est peut-être pas un hasard s'ils étaient projetés le même jour à Cannes.

Evolution, transformation, changement, participent de la rhétorique de la discrète Naomi Kawase, réalisatrice de "Still the Water". C'est dire si l'écologie, qui officie en profondeur, participe de son propos. La construction de ses films officie comme celle d'une plante. Une graine, des feuilles, un arbre. Cette rhétorique aboutit vraiment dans "Still The Water", où tout vient de l'océan originel. L'océan entourant une île, où vient de se noyer un inconnu au centre de l'intrigue, mystérieuse, qui pourrait faire l'objet d'un thriller, détourné en récit initiatique.

"Still the water" de Naomi Kawase
 (© « FUTATSUME NO MADO »/Japanese Film Partners/Comme des Cinémas/Arte France Cinéma)

Poétesse de l'image
Ce récit, c'est celui de deux adolescents qui apprennent l'amour, le sexe et la séparation avec les ancêtres. Racines sur lesquelles s'appuie Naomi Kawase en évoquant les rites ancestraux, avec notamment les sacrifices de deux chèvres, très explicites et dérangeants à l'image. Kaito et Kyoko vont prendre ce chemin difficile, comme un arbre s'élève des entrailles de la terre vers la lumière, le ciel. Introduit comme un polar avec la découverte d'un cadavre tatoué sur la plage par Kaito, le récit prend une toute autre direction, plus intérieure.

Une jeune fille monte debout à l'arrière d'une bicyclette conduite par son ami, cheveux au vent, devant le littoral. Magnifique image de liberté. Naomi Kawase résout une alchimie subtile, avec son art contemplatif, propre à l'Asie et au Japon en particulier. Elle participe d'un art, au croisement de l'ancestralité, de la nature et du contemporain qui élève son œuvre, de film en film, au rang de poésie filmique, en traitant de la métamorphose, paradigme de l'immortalité. Elle y parvient, mais non sans mal, avec un manque de rigueur qui la dessert, notamment au niveau du rythme, donc du montage. "Still the Water" n'en reste pas moins un beau film, radical, mais exigeant. 

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