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"Retour à Forbach", documentaire poignant sur une ville malade

Documentariste ("Nous, princesse de Clèves"), Régis Sauder revient à Forbach, sa ville natale, où il a grandi avec l’obsession de la quitter dès que possible. Trente après, c’est le retour du fils prodigue, pour la filmer et faire l’état des lieux : une commune gangrenée par le chômage depuis la fermeture du bassin minier, hantée par le vote frontiste et habitée de forces vives.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
"Retour à Forbach" de Régis Sauder
 (Docks 66)

Ville fantôme

A quelques jours du premier tour de la présidentielle en France, "Retour à Forbach" rappelle les mots de François Hollande en 2012, lors de son discours dans la ville de Moselle pour stigmatiser l’abandon par le pouvoir des victimes de la désindustrialisation. Un discours de campagne, de vaines "paroles, paroles, paroles", au regard de la démonstration qu'en fait Régis Sauder cinq ans plus tard.

Une "ville fantôme", une "ville morte", selon les propres mots de ses habitants, de ceux qui, à l’encontre du documentariste, "sont restés". Régis Sauder revient sur les lieux de son enfance, à la rencontre de Forbachois qu’il a connus et de nouveaux arrivés. Tous font ce même constat de sentiment d’abandon des autorités politiques, et du refuge des citoyens dans le vote d’extrême droite, très majoritaire dans la commune. Un paradoxe, à la vue d’une population historiquement d’origine cosmopolite, avec les vagues migratoires successives depuis le XIXe siècle – polonaise, italienne, maghrébine, portugaise – qui ont nourri le bassin minier.

"Hontise"

Par ailleurs, "Retour à Forbach" s’ouvre sur la proximité avec l’Allemagne qui imprègne fortement l’identité de la commune frontalière, de tout temps tiraillée par les conflits européens, un temps rattachée au pays de Goethe et marquée par l’occupation nazie. Les témoignages font largement état de ce qui apparaît comme un traumatisme originel, une "honte", une "hante", comme disent les Forbachois avec leur accent. Une "hontise", dit ce raccourci entre les deux mots, si parlant et si révélateur. 

"Retour à Forbach" de Régis Sauder
 (Docks 66)

"Retour à Forbach" n’en demeure pas moins un film loin d’être déprimant, en développant un discours d’une extrême pertinence au regard de la conjoncture française actuelle. Avec des personnages qui valent le détour. Au premier chef, cette tenancière de bistrot, loquace, d’une grande qualité d’analyse de la singularité forbachoise. Mais aussi cette directrice d’école que connaissait, adolescent, le réalisateur, ou cet ouvrier d’origine marocaine qui déplore le paradoxal vote forbachois. Il y en a d’autres, beaucoup d’autres, tous passionnants, d’une grande acuité, sans oublier des enfants qui semblent dénués de la naïveté attendue. Le filmage et le montage de Régis Sander servent aussi son documentaire, aux images parlantes, au-delà des mots. Un film essentiel sur l’état de la France.

"Retour à Forbach" : l'affiche
 (Docks 66)

LA FICHE

Documentaire de RégisSauder (France) - Durée : 1h19 - Sortie : 19 avril 2017

Synopsis : Régis Sauder revient dans le pavillon de son enfance à Forbach. Il y a 30 ans, il a fui cette ville pour se construire contre la violence et dans la honte de son milieu. Entre démons de l'extrémisme et déterminime social, comment vivent ceux qui sont restés ? Ensemble, ils tissent mémoires individuelles et collectives pour interroger l'avenir à l'heure où la peur semble plus forte que jamais.

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