"Résistance Naturelle" : vin et cinéma, Jonathan Nossiter 10 ans après Mondovino
3 / 5 ★★★☆☆
Documentaire de Jonathan Nossiter (France/Italie), avec : Stefano Bellotti, Elena Pantaleoni, Giovanna Tiezzi - 1h23 - Sortie : 18 juin 2014
Synopsis : Réunis sous le soleil de l’Italie, une poignée de vignerons et un directeur de Cinémathèque partagent leur passion du vin et du cinéma. En quelques années, des agriculteurs libres ont transformé la conception du vin ainsi que son marché en produisant un vin dit "naturel". Par goût de la liberté, de la transmission, de l’honnêteté artisanale et de la santé de la planète (et de ses habitants), ils sont entrés en résistance. Contre la tyrannie du marché et des gouvernements qui le servent.
Stefano Bellotti, le Pasolini des vignes (poète et rebelle !) dans le Piémont et Elena et Anna Pantaleoni, deux générations de femmes Émiliennes, ré-imaginent, souvent avec leur ironie, comment contester.
Rejoint par Corrado Dottori dans les Marches et Giovanna Tiezzi en Toscane, ils partent tous à la recherche de la prochaine bataille. Mais un engagement écologique envers la nature ne sert à rien s’il n’y a pas également une écologie de la culture. Comme le vin, la transmission vitale et le rôle contestataire de la culture cinématographique sont menacés de disparition. Dix ans après "Mondovino", Jonathan Nossiter part à la rencontre en Italie de ses quelques résistants, de ces passeurs de vie. Vin et cinéma
"Mondovino" parlait du nivellement des goûts par la critique et l’uniformisation. "Résistance Naturelle" ne change guère de registre en défendant une poignée de viticulteurs italiens qui ont décidé de faire du "vin naturel", du vin bio dirions-nous chez nous, sans aucun traitement pesticide de la vigne ni adjuvant, ou presque. Pour la défense du terroir, mais aussi d’un goût non uniforme.
L’originalité de "Résistance Naturelle" émane de l’identification effectuée entre l’amour du vin et celui du cinéma, par la présence du directeur de la Cinémathèque de Bologne, Gian Luca Farinelli. Elle s’effectue par l’histoire. Celle d’un cépage, d’une terre, d’un terroir qui n’est pas si éloignée que cela de celle d’une culture issue d’un milieu géographique ou intellectuel, ou sensible. Belle idée qui rassemble deux univers, apparemment aux antipodes. Mais pas tant que cela, amateurs de vins et cinéphiles se retrouvant souvent sous les mêmes auspices…
Historicité contre uniformisation
Selon "Résistance Naturelle", l’on ne connaît rien à quoi que ce soit, sans connaître le passé. Sans parler de littérature ou de peinture, le support étant le film, Jonathan Nossiter s’arrête au cinéma pour sa démonstration. Aussi identifie-t-il le respect du vin naturel à celui du cinéma. Bonne idée, un rien provocatrice, tant les deux univers semblent disjoints. Mais au bout du compte, pas tant que cela. La démonstration s’avère globalement efficace.
Le point commun émane d’une rencontre entre l’historicité et le combat contre l’uniformisation. En un mot, il faut savoir d’où l’on vient pour se renouveler. Que cela soit pour le vin, ou le cinéma. Ce propos passe fort bien par le principal interlocuteur du film, le vigneron italien Stefano Belloti, qui ne cesse de démontrer avec conviction les correspondances entre ce que nous ingérons et les conséquences comportementales en chacun de nous, impliquant dans son discours très intelligent, moult conséquences politiques. Il est le fil rouge du film. Le passage qu’effectue Nossiter par le fascisme, en dénonçant le nivellement des origines pour galvaniser la diversité comme source de richesse est de ce point de vue éloquent.
C’est moins sûr de la part du filmage du cinéaste qui s’applique constamment à donner une texture documentariste à son film, comme s’il était à tout va improvisé, mais dont la forme s’avère surlignée. Avec ce jeu de la caméra portée et ses zooms récurrents, comme un gamin qui découvrirait les échelles de cadres. Au-delà de la forme, demeure ce discours sur le vin, sujet du film, et avec lui, de toute nourriture, rattaché au terroir. Avec cette scène très spectaculaire, où le vigneron Stefano Belloti creuse deux poignées de terre, l’une de sa vigne, non traitée, et l’autre de son voisin, inséminée de pesticides. Terre morte, terre vivante. Edifiant ! Un beau film partisan, et revendiqué comme tel. Voire courageux.
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