"Quitter la nuit" : intrigue et passion dans un premier film ambitieux

Dans son premier long-métrage, Delphine Girard filme avec substance l’ambiguïté des rapports hommes-femmes. Une incommunicabilité irréversible ?
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
"Quitter la nuit" de Delphine Girard. (HAUT ET COURT)

Scénariste et réalisatrice, Delphine Girard part d'un schéma policier pour traiter un sujet sociétal, à travers un événement, l'appel d'une femme à la police. La réceptionniste va mener sa propre enquête et se retrouver avec les protagonistes, obsédée par les événements d'une nuit dont ils cherchent à sortir.

Premier film, Quitter la nuit, très soigné dans ses cadres et ses lumières, pose bien les questions sur un sujet brûlant, à partir du mercredi 10 avril dans les salles.

Nuit obsédante

En voiture, sur une route départementale, une femme appelle le poste de police en faisant croire au conducteur qu'elle appelle sa sœur. Au bout du fil, Anna (Veerle Baetens) comprend que celle-ci se sent menacée et lance une interpellation. Dary (Guillaume Duhesme) est arrêté, alors qu'Aly (Selma Alaoui), la plaignante, et Anna semblent prises dans un engrenage qui les dépasse, incapables de se libérer de l'analyse des événements d'une nuit obsédante.

La temporalité de Quitter la nuit est dans son titre. Il n'est pas pour autant un film nocturne, son temps étant celui de la mémoire d'une nuit qui envahit le jour, jusqu'à ne plus le quitter. Delphine Girard suit, observatrice, l'enchaînement d'événements plus ou moins anodins, sujets à interprétation, voire changeants, en tout cas difficiles à réduire à une solution manichéenne. L'autrice et réalisatrice suit l'adage des meilleurs films, consistant à ne pas donner de réponse, mais à poser les bonnes questions.

Son enquêtrice se retrouve dans la position hitchcockienne du personnage lambda projeté dans une situation exceptionnelle. L'extraordinaire de la conjoncture n'est d'ailleurs pas forcément spectaculaire, il suffit qu'il se démarque intensément de la situation de départ grâce aux relances de l'intrigue. De réceptionniste, Anna devient donc enquêtrice, ce qui en fait un personnage typique des films du maître du suspense, sa blondeur étant un clin d'œil aux Tippi Hedren, Kim Novak et autres Grace Kelly.

Quitter la nuit, au très beau titre, charme par un glissement du film de genre vers le décryptage des rapports humains, en l'occurrence ceux qu'entretiennent réciproquement Anna et Dary, pétris de désirs, de frustrations, de conditionnements, d'influences, de culpabilité et de peurs. La liste n'est pas exhaustive. Delphine Girard les filme avec une cinématographie soignée dans ses cadres et ses lumières très harmonieuses, aux dominantes bleues nuit, même en plein jour. Intrigant comme un thriller, intelligent comme un documentaire.

L'affiche de "Quitter la nuit" de Delphine Girard (2024). (HAUT ET COURT)

La fiche

Genre : Policier/Drame
Réalisatrice : Delphine Girard
Acteurs : Selma Alaoui, Veerle Baetens, Guillaume Duhesme
Pays : Canada/Belgique/France
Durée : 1h48
Sortie : 10 avril 2024
Distributeur : Haut et Court

Synopsis : Une nuit, une femme en danger appelle la police. Anna prend l'appel. Un homme est arrêté. Les semaines passent, la justice cherche des preuves, Aly, Anna et Dary font face aux échos de cette nuit qu'ils ne parviennent pas à quitter.

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