Pour Karin Viard, "Magnificat" est un "film militant sur la place des femmes dans l’Eglise"
Karin Viard est souvent identifiée à la "girl next door" dans des comédies dramatiques ou romantiques, où elle mélange son humour à un charme sans faille. On ne l'attendait pas nécessairement dans le rôle d'une chancelière d'un diocèse dans le film de Virginie Sauveur, Magnificat, qui sort mercredi 21 juin. Qui connaît d'ailleurs cette fonction dans le clergé ? Archiviste des actes catholiques auprès de l'évêque (François Berléand), la chancelière en est en quelque sorte la "garde des sceaux".
Charlotte, qu'elle interprète, mène sa propre enquête après la découverte du décès d'un prêtre qui se révèle être une femme. Double surprise, donc, à la fois comme sujet et comme rôle, sur lesquels nous l'avons interrogée lors d'un entretien que Karin Viard nous a accordé.
Franceinfo.fr Culture : Comment avez-vous accepté ce rôle de chancelière d’un diocèse ?
Ce qui m’a plu, c’est le sujet. Je n’avais jamais pensé à un sujet pareil. C’est vrai que dans ce grand mouvement de libération des femmes, on a envie de sortir de ce patriarcat que les femmes subissent depuis des siècles. Au fond, l’Eglise appartient plus que tout à ce patriarcat. Les femmes dans l’Eglise sont les servantes de Dieu, elles sont aussi les boniches des curés, elles sont les boniches de tout le monde en fait. D’un seul coup, ce film permet de s’interroger sur la place de la femme dans l’Eglise. Et je trouve que dans l’Eglise, dans la société, comme partout, les femmes ont un vrai rôle à jouer. Elles peuvent tempérer beaucoup de choses qui appartiennent aux hommes mais qui appartiennent aussi aux femmes. Ce rapport d’égalité dans la société, je le trouve important, et dans l’Eglise aussi.
Le sujet du genre est très présent à l’écran aujourd’hui, et "Magnificat" l’aborde sous l’angle de l'Eglise catholique, alors que c’est la seule religion monothéiste à interdire aux femmes de faire l’Office. Est-ce que le film va dans un sens militant pour plus d’ouverture de l’Eglise à l’égard des femmes ?
C’est une évidence, c’est même le sujet central du film. En même temps, il soulève des questions, lance des pistes de réflexion, sans asséner des vérités, ou inciter à réfléchir comme ceci ou comme cela. Dans ce sens, on a aussi le point de vue de Patrick Catalifo et de François Berléand qui sont plus âgés et sont les gardiens du temple, quand ils disent à Charlotte, que je joue : vous êtes bien gentille Charlotte, mais on ne peut pas en un jour tout moderniser comme ça. Donc, je les comprends aussi. Et puis il y a le dogme et les façons de faire les choses, mais il faut sortir l’Eglise de cette emprise patriarcale. Il faut que les femmes puissent avoir leur avis et le donner. Je crois que cela frémit, avec des comités d’hommes et de femmes qui se réunissent pour réfléchir sur l’Eglise catholique. C’est bon signe, mais elles restent encore soumises, comme représentantes. Mais interdire de faire l’Office. C’est fou.
A un moment du film, Patrick Catalifo dit que l’Office donnée par une femme est inconcevable car dans la liturgie catholique, le prêtre à l’Office est l’incarnation du Christ sur Terre. Et que le Christ étant un homme, seul un prêtre peut l’incarner. La réponse apparaît comme une pirouette, qu’en pensez-vous ?
De toute façon on trouve des pirouettes à tout, dans la mesure où l’on est toujours confronté à l’interprétation des textes. On assiste parfois à des interprétations totalement erronées qui obligent les femmes à s’emprisonner, à se voiler, à s’empêcher, et cela serait déduit des textes. Mais quand tu les lis, tu peux les interpréter complètement différemment. On a affaire au dogme. Moi, j’aime la foi, pour ce qu’elle a d’ouverture et d’amour, de tolérance et d’empathie, mais le dogme me rebute.
Justement, les religions ne se limitent-elles pas depuis des lustres à une quête de pouvoir politique au lieu de spirituel ?
Je pense que la religion peut être belle, quand elle n’est pas radicale, justement car empreinte d’une grande spiritualité. Il y a différentes façons d’être imprégné de sa religion. Que l’on soit catholique ou non. Moi j’ai été baptisée protestante, et je me sens plus proche du protestantisme que du catholicisme, quoique... Mais il m’est arrivé de discuter avec des prêtres progressistes, ils sont merveilleux, imprégnés de leur croyance et se posent des questions, se remettent en cause. Leur foi est sans arrêt mise à l’épreuve, c’est assez merveilleux de vouer sa vie à ça. C’est un questionnement perpétuel, la religion juive ne cesse de se questionner, à l’infini. Après il y a les radicaux qui veulent imposer un obscurantisme absolu et ce sont ceux-là qui font le plus de bruit, mais il y a beaucoup de gens qui sont très modérés et qui vivent leur foi avec beaucoup de générosité et d’ouverture. Et ce sont ceux-là qu’il faut respecter, pas les autres.
Il s’agit de catholicisme dans "Magnificat", et de la place de la femme dans le dogme, alors que le protestantisme permet au prêtre de vivre en couple.
Je trouve cela très compliqué de priver des êtres humains de sexualité. Tu as la foi, tu es croyant, et pour autant tu ne dois aimer que Dieu et ne dois pas avoir de sexualité, c’est discutable.
Il est dit dans le film qu’il y a eu plusieurs cas de femmes qui se sont fait passer pour un homme dans l’Eglise. Vous nous le confirmez ?
Je suppose, oui. Je ne suis pas allée vérifier, mais ça a dû exister, évidemment. La manière directe avec laquelle Virginie Sauveur introduit l’affaire est de ce point de vue remarquable. On ne spolie rien, puisque tout est donné d’emblée.
Vous êtes-vous préparée à ce rôle particulier de chancelière de diocèse ?
Je n’ai pas rencontré de membres du clergé, j’ai bien compris dans le scénario ce dont il s’agissait, je n’avais pas besoin de sous-titre.
Le duo que vous formez avec François Berléand fonctionne très bien, vous aviez déjà joué ensemble ?
Je le connais bien, mais je ne me souviens pas de l’avoir croisé sur un film. Jouant séparément sur un même film, mais sans scène commune, peut-être. Mais c’est un copain, un être délicieux. C’est quelqu’un avec lequel il est très facile d’entrer en relation, très accessible. Donc l’échange sur le plateau était très naturel, on s’est amusés. Lui en curé (évêque), avec ce rapport hiérarchique fort, et la magie opère. Il y a des gens que tu peux apprécier dans la vie et au fond tu ne joues pas si bien que ça avec eux. A l’inverse aussi. C’est vrai que là, on s’entend très bien et que cette partie de ping-pong fonctionne bien. C’est comme dans la danse : on t’invite à danser et tu peux être surprise de danser aussi bien avec ton partenaire, alors qu'un autre peut te marcher sur les pieds, te fait tourner, te broie la main et tu sens que ça ne marche pas, qu’on est à contretemps. C’est pareil pour les acteurs. Parfois le rythme d'un acteur te déstabilise, il peut mettre beaucoup de temps pour répondre par exemple, tu peux te sentir "dérythmée" en fait. Mais il faut s’adapter, c’est aussi le principe, mais du coup ça prend ou ça ne prend pas.
On va vous voir dans "Madame de Sévigné" d'Isabelle Brocard, vous pouvez nous en dire deux mots ?
Oui, le film est terminé. Je joue la comtesse. C’est fondé sur la correspondance de Madame de Sévigné avec sa fille, avec des rapports très compliqués entre elles deux. C’est un film que l’on a tourné il y a un an, et qui va sortir le 14 janvier 2024. Et je suis également ces temps-ci dans Une nuit d’Alex Lutz qui sort le 5 juillet.
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