"Past Lives - Nos vies d'avant" : Celine Song dissèque une connexion amoureuse sur trois décennies pour ses premiers pas au cinéma

"Past Lives - Nos vies d'avant" se donne le temps de décrire les pérégrinations sentimentales de deux adultes qui se sont aimés quand ils n'étaient que des enfants. Celine Song explore ainsi, ce que l'on voit rarement au cinéma, une émotion autre que celle de l'exil propre à l'émigration.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une scène du film "Past Lives - Nos vies" d'avant de Celine Song dans les salles françaises le 13 décembre 2023 (JON PACK/ARP SELECTION)

À quoi ressemble votre vie amoureuse quand vous avez la sensation qu'une porte ne s'est pas complètement refermée ? La réalisatrice sud-coréenne et canadienne Celine Song y répond avec Past  Lives - Nos vies d'avant en salles le 13 décembre. Le film, qui est un succès critique aux Etats-Unis et qui a déjà raflé plusieurs prix, raconte sur trois décennies la relation singulière qu'entretient Nora (Greta Lee) et Hae Sung (Teo Yoo), l'amour de ses douze ans.

C'est à cet âge qu'elle a émigré au Canada avec ses parents, avant de s'installer à New York pour devenir dramaturge. Derrière elle, en Corée du Sud, elle a laissé Hae Sung. Une vingtaine d'années après avoir pris des chemins différents, comme dans cette scène où deux voies distinctes (un chemin plat et un escalier) se présentent à eux dans l'enfance, ils se retrouvent de nouveau en chair et en os à New York. Hae Sung est venue y rendre visite à Nora, désormais mariée. C'est l'occasion pour les deux adultes de s'interroger sur la façon dont leur relation amoureuse platonique aurait pu évoluer.

Le temps de digérer ses émotions 

Past Lives - Nos vies d'avant prend le temps de décrire une connexion émotionnelle qui perdure. On assiste d'abord à la confession d'une adolescente à sa mère à propos de ses premiers émois amoureux. On perçoit ensuite l'excitation d'une jeune femme de 20 ans et l'envie de mettre fin à une situation floue. Et, enfin, la maturité d'une trentenaire qui a définitivement imposé une direction à ses amours en se mariant.

Dans le long métrage de Celine Song, les changements sont impulsés par Nora – c'est elle qui doit suivre sa famille au Canada – et Hae Sung, semble les subir. D'autant qu'il ne parvient pas toujours à aller au bout de l'expression de ses sentiments. Gestes, postures, attitudes et surtout regards : la caméra de Song capte l'indicible complicité qui lie ses héros. Et les lieux qui en sont témoins, filmés dans le détail, deviennent les marqueurs de leurs pérégrinations sentimentales dans les villes qui les abritent.   

Amitié amoureuse 

Pour son premier film, Celine Song s'est inspirée de sa propre histoire. La scène, qui ouvre le long métrage et qui lui permet de dépeindre cet amour particulier grâce à un long retour en arrière, elle l'a vécue. La cinéaste s'est elle-même retrouvée dans un bar new-yorkais, entre son mari, et son amour d'enfance. Le dispositif narratif de la dramaturge repose sur l'alchimie qu'il y a entre ses comédiens à différents stades de leur vie. Ainsi, la candeur, qui leur a permis d'exprimer leur affection amoureuse pendant l'enfance, va peu à peu faire place à une gêne née du fait qu'ils comprennent la complexité de leur relation à distance et, plus tard, quand Nora se marie. À l'image, le gros plan sur leurs doigts entremêlés à 12 ans, à Séoul, cède ainsi la place à celui de leurs mains, à 36 ans, qui se frôlent dans le métro new-yorkais alors qu'ils ne se quittent pas du regard, heureux de se retrouver.

Tour à tour, hésitants et francs dans la peau de leurs personnages, Grace Lee et Teo Yoo (vu récemment dans la série romantique coréenne I Love to hate you sur Netflix) traduisent remarquablement leurs tiraillements. La metteuse en scène a trouvé deux acteurs qui illustrent  parfaitement la connexion émotionnelle à laquelle renvoie le mot "inyeon", fil rouge du film. Ce terme coréen peut être traduit par "providence" ou "destin". Cette croyance au fait qu'ils sont liés d'une manière ou une autre est le moteur de Nora et Hae Sung, engagés dans une relation complexe mais relativement apaisée. Cette sérénité, qui s'installe au fur et à mesure que le récit évolue, infuse le trio formé avec le mari de Nora, Arthur (John Magaro). Ce dernier n'étant évidemment pas dupe de l'intensité de la relation entre sa femme et son amour de jeunesse.

Past Lives - Nos vies d'avant s'avère aussi une réflexion inédite sur les traumas diffus de l'exil que l'on n'aborde souvent que sous l'angle de la seule nostalgie alors que l'on peut laisser d'autres types d' émotions derrière soi. À la mère de Hae Sung qui lui demande pourquoi elle veut tout recommencer dans un autre pays, celle de Nora répond qu'il s'agit de faire un calcul entre ce que l'on perd et ce que l'on gagne. Pour Nora et à Hae Sung, il aura fallu deux décennies pour réaliser cette opération. Et Celine Song leur offre un imposant canevas, celui de la providence, pour faire leurs comptes. 

L'affiche du film "Past Lives - Nos vies d'avant" de Celine Song (ARP SELECTION)

La fiche

Genre : drame 
Réalisatrice : Celine Song 
Distribution : Greta Lee, Teo Yoo et John Magaro
Pays : Etats-Unis
Durée : 1h46
Sortie : 13 décembre 2023
Distributeur : ARP Selection

Synopsis : A 12 ans, Nora et Hae Sung sont amis d’enfance, amoureux platoniques. Les circonstances les séparent. A 20 ans, le hasard les reconnecte, pour un temps. A 30 ans, ils se retrouvent, adultes, confrontés à ce qu’ils auraient pu être, et à ce qu’ils pourraient devenir.

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