"Napoléon" : Ridley Scott bat en retraite face à l'Empereur, faute de temps

Les plus grands metteurs en scène passent par les plateformes de streaming pour mener à bien leurs projets. Réalisé pour Apple Studio, le "Napoléon" de Ridley Scott pâtit d’un montage trop raccourci pour la salle.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Vanessa Kirby et Joaquin Phoenix dans "Napoléon" de Ridley Scott (2023). (2023 APPLE)

Après Abel Gance, Sergueï Bondartchouk, King Vidor, Sacha Guitry, ou le projet avorté de Stanley Kubrick, Ridley Scott s’attaque au personnage historique le plus récurrent du cinéma avec Jeanne d’Arc. Napoléon fascine les cinéastes. Est-ce parce qu’un tournage est un peu un champ de bataille ? La stratégie les rassemble et le réalisateur est comme un général sur un plateau. Réalisé pour AppleTV+, le Napoléon de Ridley Scott, d’une durée de 4h30 est ramené à 2h40 pour la salle, ce qui se ressent âprement.

Napoléon et Joséphine

Du siège de Toulon (1793) à Waterloo (1815), le film déroule l'ascension, l’Empire et la chute de Napoléon Bonaparte. Sa conquête acharnée du pouvoir, ses campagnes et sa défection s’enchaînent en parallèle à ses rapports passionnels tourmentés avec Joséphine, le grand amour de sa vie. En amour comme à la guerre, tout semble affaire de combat.

Ridley Scott se démarque des nombreux cinéastes qui ont consacré un film à Napoléon, en privilégiant le personnage intime et son amour pour Joséphine de Beauharnais. Réellement passionnés l’un et l’autre, il l’épousa en 1796 et en resta amoureux jusqu’à sa mort en 1815. C’est le point focal du film, au-delà des nombreuses batailles qui l’émaillent, et ce qui le distingue des autres versions. Joaquin Phoenix endosse à ce titre avec tact le rôle de l’Empereur. Tout comme Vanessa Kirby incarne une Joséphine des plus crédibles. Leurs nombreux échanges verbaux, mais pas seulement, participent du meilleur du film, ce à quoi l’on ne pouvait pas s’attendre.

Coups de scalpel

Ridley Scott avait déjà abordé les guerres napoléoniennes dans son premier long métrage, Les Duellistes (1977), et son Napoléon ne récupère pas le projet jamais abouti de Stanley Kubrick sur le sujet. Scott est un descendant de Kubrick par l’ambition de ses mises en scène. Il a par ailleurs réalisé beaucoup de reconstitutions historiques (Antiquité, Moyen Âge, Renaissance), Napoléon est pour lui un sujet naturel. La réalisation n’est pas clinquante, mais nourrie de réalisme, et elle ne pactise pas avec le format télévisuel, auquel le film est destiné, en ne donnant pas la part belle aux plans moyens. Napoléon est un vrai film de cinéma.

Mais le bât blesse sur le montage, la construction et le rythme. Élaguer deux heures sur les quatre heures trente initiales du film, demande un bon coup de scalpel. Aussi, les coupes les plus franches sont parfois très artificielles et voyantes. Comme ce survol en trois ou quatre plans de la traumatisante retraite de Russie de 1812, enchaînée sur un cadrage de Napoléon assis dans un fauteuil à Fontainebleau : l’ellipse est maladroite. Plus d’un raccord laissent ainsi à désirer. Ils semblent résulter d’options commerciales obligées, finalement préjudiciables au film. Le même symptôme avait frappé La Porte du Paradis de Michael Cimino en 1979, dont les 3h40 ramenées à 2h20 en faisaient un film quelconque, alors que son intégralité est un chef-d’œuvre. Ridley Scott aimerait voir son film de 4h30 diffusé sur grand écran, c’est le plus grand mal qu’on lui (et qu'on nous) souhaite.

L'affiche de "Napoléon" de Ridley Scott (2023). (SONY PICTURES RELEASING FRANCE)

La fiche

Genre : Historique
Réalisateur : Ridley Scott
Acteurs : Joaquin Phoenix, Vanessa Kirby, Tahar Rahim, Ben Miles, Youssef Kerkour, Ruppert Everett, Mark Bonnar, Edward Eales-White
Pays : Grande-Bretagne
Durée : 2h39
Sortie : 22 novembre 2023
Distributeur : Sony Pictures Releasing France

Synopsis : Fresque spectaculaire, Napoléon s'attache à l'ascension et à la chute de l'Empereur Napoléon Bonaparte. Le film retrace la conquête acharnée du pouvoir par Bonaparte à travers le prisme de ses rapports passionnels et tourmentés avec Joséphine, le grand amour de sa vie.

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