Cet article date de plus de huit ans.

"Moi, Olga" : chronique grise d'une exécution annoncée

En 1973, Olga Hepnarova, 22 ans, lance son camion contre un groupe de personnes attendant le bus dans une rue de Prague, blessant mortellement huit d'entre elles. Arrêtée, assumant son geste, condamnée à mort, elle sera pendue le 12 mars 1975. C'est la dernière femme exécutée en Tchécoslovaquie. Petr Kazda et Thomas Weinreb ont choisi ce sujet difficile pour leur premier film : âpre.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Michalina Olszanska dans "Moi, Olga" de Petr Kazda et Tomás Weinreb
 (Arizona Films)

Seule contre tous

Plutôt que le noir et blanc, Petr Kazda et Thomas Weinreb ont opté pour un gris et blanc cotonneux, afin de transcrire l'histoire de cette jeune fille d'une vingtaine d'années en crise dans une société tchèque sclérosée qui ne la comprend pas. Plus que seule, solitaire, Olga est habitée d'une puissante envie de vivre. Trop puissante, sans doute. Homosexuelle, elle a toutes les peines du monde à trouver une compagne, et quand elle aboutit à ses fins, un décalage demeure. Pour paraphraser le film de Gaspard Noé, elle est "seule contre tous".
Sa famille en tête. Quand sa mère lui demande ce qu'elle désire comme cadeau d'anniversaire, elle répond "partir d'ici". C'est tout dire. Issue de la petite bourgeoisie, d'un père employé de banque et d'une mère dentiste, elle fait dès l'âge de 13 ans un séjour en hôpital psychiatrique qui lui laissera des traces. Jolie, mais effrontée, son asociabilité l'isole de plus en plus. Face à elle-même, elle ressasse l'hostilité des autres, de ses parents, de la société à son égard. "Moi, Olga Hepnarova, victime de votre bestialité, vous condamne à mort", écrira-t-elle dans sa lettre testament avant son geste.

Compassion

Les deux cinéastes mettent à plat le dossier Olga Hepnarova sans se poser en juges. Ils exposent les faits qui ont conduit cette jeune femme à commettre l'irréparable, comme un suicide. Son séjour en prison lui aura sans doute fait regretter son geste, puisqu'il fallut la traîner jusqu'à la potence, alors qu'à l'issue de son "attentat", elle était prête à mourir. Derrière son cas, c'est le portrait de la société tchécoslovaque de l'ère communiste qui se dessine. Celle dont il ne faut pas sortir des clous, à moins d'être broyé par un système sans concession. Mais plus que son procès, Petr Kazda et Thomas Weinreb font celui de ceux qui s'y plient, la mère d'Olga en tête.
"Moi, Olga" de Petr Kazda et Tomás Weinreb
 ( Arizona Films)
Beau film sur l'incommunicabilité, non pas homme-femme, à la Antonioni, mais entre un individu et la société, "Moi, Olga" vaut par ailleurs pour l'interprétation de Michalina Olszanska, de tous les plans. Belle, froide, nombriliste et hautaine, fière de sa différence, elle inspire de la compassion, par son calvaire, malgré son geste terrible. Loin d'être reconnue folle par les psychiatres, elle lance "Je suis folle, oui, mais clairvoyante". Fait divers qui a marqué la Tchécoslovaquie des années 70, il met en perspective non une politique, mais l'acceptation de la différence dans les mentalités. Un sujet universel. Difficile, fort, voire perturbant.  
"Moi, Olga" : l'affiche francçaise
 (Arizona Films)

LA FICHE

Drame de Petr Kazda et Tomás Weinreb (République tchèque, Pologne, Slovaquie, France) - Avec :  Michalina Olszanska, Martin Pechlát, Klára Melísková  - Durée : 1h45 - Sortie : 6 juillet 2016
Interdit aux moins de 12 ans

Synopsis : Olga est solitaire. Homosexuelle dans la Tchécoslovaquie des années 1970, elle quitte sa famille rigide et glaciale mais ne trouve pas sa place dans une société qui la rejette.  À 22 ans, elle décide de se venger.


Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.