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"Moi et toi" : Bertolucci décrypte la fuite de l'adolescence

Alors que la Cinémathèque française offre à Bernardo Bertolucci ("Le Conformiste", "1900", "Le Dernier tango à Paris", "Little Buddha"...) une rétrospective intégrale de son oeuvre, le cinéaste italien sort son nouveau film sur les écrans, toujours aussi pertinent : "Moi et toi", sur le passage de l'adolescence à l'âge adulte.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jacopo Olmo Antinori et Tea Falco dans "Moi et toi" de Bernardo bertolucci
 (KMBO)

De Bernardo Bertolucci (Italie), avec : Jacopo Olmo Antinori, Tea Falco, Sonia Bergamasco - 1h37 - Sortie : 18 septembre 2013

Synopsis : Lorenzo, 14 ans; vit des relations difficiles avec son entourage : sa mère, séparée de son père, et les collégiens qu'il retrouve tous les jours. A l'occasion de l'organisation d'une classe de neige, il prétexte s'y rendre, pour rester en fait dans la cave de l'immeuble où il habite, en cachette de sa mère. Inopinément, sa demi-soeur, Olivia, de 10 ans son aînée y arrive un soir. Toxicomane et en mal de logement, il vont devoir cohabiter durant une semaine...

La cave
Des films sur l’adolescence, le cinéma n’en manque pas : des fondateurs "La Fureur de vivre", "A l’Est d’Eden", au récent et magnifique "Blackbird", chroniqué ici-même. Bernardo Bertolucci y revient dans son dernier film "Moi et toi" sous un angle inattendu et qui recoupe pourtant le premier long métrage de fiction de Sandrine Bonnaire "J’Enrage de son absence" (2012), par le thème commun de la cave comme lieu de cachette et de révélation à soi-même.

Dans le film de Sandrine Bonnaire, un père en mal de voir son fils après une séparation douloureuse, occupait en cachette la cave de l’appartement de son ex-femme, afin d’y retrouver son fils. Dans "Moi et toi", Lorenzo, 14 ans, se réfugie dans la cave de l’appartement de sa mère pour y vivre pleinement son sentiment de solitude. Jusqu’à ce que sa demi-sœur s’y réfugie à son tour pour le pire et le meilleur. Dans les deux cas : une affaire de famille, deux de ses membres allant sans le savoir l’un vers l’autre, dans le ventre des non-dits imagés par le sous-sol de l’habitat.

Jacopo Olmo Antinori dans "Moi et toi" de Bernardo Bertolucci 
 (KMBO)

Space Oddity
Lorenzo (Jacopo Olmo Antinori), casque Hiphone sur les oreilles, échappant à ses camarades de classe, capuche sur la tête, fuit son environnement, introverti, sauf avec sa mère, dont il est visiblement amoureux, et sa grand-mère qu’il affectionne. Il va s'affranchir de ce cadre qu’il ne supporte plus en s’enfonçant sous terre, dans la cave pour une semaine, en utilisant un subterfuge. Il sera mis à mal quand sa demi-sœur, elle aussi en rupture de ban, le rejoint. Tous deux vont se haïr, s’aimer, se retrouver, se découvrir pour ressortir au final de cette expérience ultime métamorphosés.

Olivia (très belle Tea Falco, ici dans son premier grand rôle), d’une dizaine d’années l’aînée de Lorenzo, va l’amener à maturité, en lui apprenant les affres d’une famille décomposée qu’il connaît peu, ou mal. L’inverse se vérifiera dans la prise en charge par l’adolescent de la toxicomanie de sa demi-sœur en lui montrant son potentiel de responsabilisation. Tous deux vont évoluer selon un rythme progressif, que Bertolucci exploite avec réalisme, sans bousculer les choses, en les graduant avec parcimonie.

Tea Falco dans "Moi et toi" de Bernardo Bertolucci
 (KMBO)

Ainsi, étonnant d’observer combien il film le visage de Lorenzo en gros, voire très gros plans, ne nous privant d’aucun de ses boutons d’acné (à côté « Les Beaux gosses », c’est de l’ellipse robbe-grienne), et qui disparaissent, s’estompent au fil de sa maturation. Au-delà de cette anecdote graphique, une énergie s’instaure entre les deux personnages et acteurs. Un sentiment peu évident à transmettre dans ce huis-clos qui aurait pu être pesant, mais où l’on s’immisce, avec complicité, au son d’une musique très bien choisie, actrice du film, dont une version rare de « Space Oddity » chantée en italien par David Bowie qui pourrait en être l’hymne.

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