"Mignonnes" de Maïmouna Doucouré : le corps, obsessionnel objet de fascination d'une préadolescente
Lumineux premier film de Maïmouna Doucouré, "Mignonnes" suit une enfant de onze ans, en pleine quête d'elle-même. Un film beau et criant de réalisme.
Avec Maman(s), la réalisatrice franco-sénégalaise Maïmouna Doucouré avait déjà créé la sensation. Sorti en 2015, le court-métrage est sélectionné dans 200 festivals et remporte plus de 60 prix dont le César du meilleur court-métrage en 2017. Elle est de retour avec Mignonnes, son premier long qui a déjà obtenu la mention spéciale du Jury international de la Berlinale et le prix de la meilleure réalisation au Festival américain Sundance. Maïmouna Doucouré y montre une jeunesse tiraillée qui veut grandir trop vite, et s’impose comme une réalisatrice qui va marquer le cinéma français.
Un bouleversement familial
Amy est une jeune fille de onze ans qui vit avec sa mère et son petit frère à Paris. La pré-adolescente est troublée quand elle apprend que son père s’apprête à revenir du Sénégal… avec une nouvelle femme. Pour fuir ce bouleversement familial, Amy se rapproche d’un groupe d’adolescentes de son âge, les "Mignonnes". Fascinée par cette bande de danseuses, elle va apprendre leurs chorégraphies très sensuelles pour les aider à gagner un concours.
La question de la polygamie vue par les yeux d’une enfant était déjà au centre de Maman(s) pour lequel Maïmouna Doucouré s’est inspirée de son histoire personnelle. Mignonnes est l’occasion d’aborder une autre thématique qui dérange : l’hypersexualisation des adolescentes. L’idée du film vient à la réalisatrice alors qu’elle assiste à une fête de quartier. Des filles de onze ans dansent devant un public de manière sensuelle et choquent les mères africaines de l’assemblée.
Un cri d'alarme
Mignonnes se veut comme un cri d’alarme. Quels outils ont les petites filles pour se construire ? Amy regarde sur internet des vidéos de femmes dénudées qui dansent lascivement. Elle les imite, twerke, commence à mettre des talons, à se dévoiler physiquement et poster des vidéos sur les réseaux sociaux. Le contraste entre les corps encore enfantins des Mignonnes et leurs attitudes sexualisées est fort, provoquant parfois un malaise chez le spectateur. Certaines scènes rappellent la jeunesse d’Amy et de ses amies, comme quand elles se chamaillent puérilement ou quand elles découvrent un préservatif par terre et en sont perturbées.
Dans un univers lumineux et coloré, la caméra de Maïmouna Doucouré suit le regard d’une Amy obsédée par les corps qui l’entourent. Si les formes des femmes sénégalaises sont mis en valeur par des gros plans, les hommes sont très peu présents dans Mignonnes. Amy est à un moment délicat de sa vie, entre la fin de l'enfance et le début de l'adolescence, tiraillée entre deux cultures. Elle va vouloir grandir trop vite, jusqu’à se heurter à un mur. Dans un beau plan final libérateur, la jeune fille renoue avec son insouciance. Mignonnes est criant de réalisme, beau et délicat.
La fiche
Genre : Drame, Comédie
Réalisateur : Maïmouna Doucouré
Avec : Fathia Youssouf, Medina El Aidi, Esther Gohourou
Pays : France
Durée : 1h35
Sortie : 19 août 2020
Distributeur : Bac Films
Synopsis : Amy, 11 ans, rencontre un groupe de danseuses appelé : « Les Mignonnes ». Fascinée, elle s’initie à une danse sensuelle, dans l’espoir d’intégrer leur bande et de fuir un bouleversement familial...
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