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"Mademoiselle Julie" de Liv Ullmann : Jessica Chastain dans un huis-clos brûlant

L'actrice fétiche et épouse d'Ingmar Bergman n'avait pas réalisé de films depuis une quinzaine d'années, passant beaucoup de temps au théâtre où ses mises en scènes rencontrent le succès. Son adaptation de "Mademoiselle Julie" au cinéma est aussi classique que maîtrisée, avec trois comédiens au sommet de leur art.
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 1 min
Jessica Chastain dans "Mademoiselle Julie"
 (Pretty Pictures)
La note Culturebox
4 / 5                  ★★★★☆

Drame de Liv Ullmann (Norvège-Irlande-Grande-Bretagne-France) – Avec Jessica Chastain, Colin Farrell et Samantha Morton – Durée : 2h13 – Sortie : 10 septembre 2014

Synopsis : 1890, Irlande. Tandis que tout le monde célèbre la nuit des feux de la Saint Jean, Mademoiselle Julie et John, le valet de son père, se charment, se jaugent et se manipulent sous les yeux de Kathleen, la cuisinière du baron, jeune fiancée de John. Ce dernier convoite depuis de nombreuses années la comtesse voyant en elle un moyen de monter dans l’échelle sociale.


Interrogée sur son film, Liv Ullmann ne tourne pas autour du pot : "Bien sûr, qu'il est théâtral, mais en quoi est-ce un problème ? Quelles règles absurdes décideraient-elles ce que doit être ou non le cinéma ?". Tout est dit, ou presque. Oui, "Mademoiselle Julie" reste fidèle à la pièce de Strindberg, et même admirablement filmé, le théâtre est toujours là. Oui, encore, c'est du cinéma et du grand.

Liv Ullmann n'a a pas choisi d'exploser le texte du dramaturge suédois, et sa réalisation s'inscrit dans un registre très classique. Dans ce cadre sans surprise, elle peut donner toute sa mesure dans la direction d'acteurs, et c'est un bonheur.

Jessica Chastain est une sensationnelle Julie. Dominatrice et capricieuse, elle glisse doucement vers son contraire, otage de sa passion, payant au prix fort un "moment d'égarement". Peau diaphane barbouillée de sang, ivre et confuse, l'actrice américaine incarne merveilleusement ce personnage complexe, qui peu à peu se débarrasse de son vernis social et découvre la brutalité des rapports humains.

  (Pretty Pictures)


Face à elle, le valet John (Colin Farrell, qui joue sur ses terres irlandaises) est un amant-adversaire complexe et agressif, mi-manipulateur mi-victime, qui attend depuis longtemps que l'ascenseur social s'ouvre à lui. Très convaincant, lui aussi. Un troisième personnage complète le huis-clos. D'abord effacée, si respectueuse, Kathleen, la fiancée délaissée (Samantha Morton) va bientôt montrer un autre visage, une puissance qui lui permet de rester debout dans ce champ de ruines sentimental. "Les classes ne se mélangent pas" martèle-t-elle pour rappeler la règle du jeu de cette société ligotée par les conventions.

On l'aura compris, "Mademoiselle Julie" est d'abord l'occasion d'assister au travail millimétré de trois merveilleux comédiens, impeccablement guidés. Un régal.

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