"Love Lies Bleeding" : Kristen Stewart dans un thriller lesbien musculeux et subversif

Avec son premier long-métrage Saint Maud, un drame d'horreur psychologique qui avait remporté le Grand Prix du Festival international du film fantastique de Géradmer en 2020, la réalisatrice britannique Rose Glass avait déjà annoncé sa volonté de réinterpréter certains codes relatifs au genre dans lequel le film s'illustre. Love Lies Bleeding, dont la sortie en salle est prévue le mercredi12 juin 2024, offre cette fois-ci une subversion du film noir, mettant notamment en scène des protagonistes lesbiennes.

Quelque part dans le nouveau Mexique des années 1980, Lou (Kristen Stewart) gère une salle de sport miteuse. L'établissement appartient à son père, un trafiquant d'arme interprété par Ed Harris. Fréquenté uniquement par des hommes, le lieu devient subitement le repaire de Jackie (Katy O'Brian), une bodybuildeuse qui traverse les Etats-Unis pour se rendre à un concours de culturisme organisé à Las Vegas. Alors que les deux femmes tombent immédiatement amoureuses, leur histoire est fragilisée par de vieux conflits familiaux et une longue liste de cadavres.

Armes à feux et patriarcat

Terres arides, villes désertiques et failles rocheuses : Love Lies Bleeding prend son ancrage dans les paysages mythifiés de l'Ouest américain. En plongeant dans cet environnement caractéristique de tout un pan du cinéma d'outre-atlantique, Rose Glass s'empare des archétypes de l'intrigue du film noir.

Kristen Stewart incarne l'antihéros à l'existence morne, Katy O'Brian le vagabond dont l'arrivée déclenche le chaos : elles forment ensemble le très traditionnel couple criminel. Le genre féminin des protagonistes, comme les héroïnes du célèbre thriller lesbien Bound (1996) des sœurs Wachowski, ouvre en revanche un tout autre champ narratif.

Cette réassignation de l'identité des personnages canoniques, produit des images rarement vues au cinéma, et n'est en effet pas un simple exercice de style. Autour de ce duo, le scénario travaille la question de la violence propre au thriller avec un autre regard.

Père abusif, mari frappant sa femme : la cascade de violence naît d'un environnement patriarcal à la fois objet de révolte et facteur d'imprégnation. Car Lou et Jackie, et c'est peut-être une des grandes réussites du film, luttent pour leur liberté mais puisent volontiers dans l'héritage de cette violence. Dans Love Lies Bleeding l'amoralité se mêle à l'envie de justice et fortifie le comique d'un cinéma noir résolument renouvelé. 

Corps féminins

Receveur et acteur de violence, le corps féminin figuré par Rose Glass touche lui aussi au transgressif. Jackie, le personnage interprété par Katy O'Brian pratique à haut niveau le bodybuilding. Son corps ne s'approche d'aucun standard, évolue perpétuellement. Autour des muscles, la réalisatrice britannique s'affirme dans le body horror, sous-genre déjà travaillé dans Saint Maud et filme un érotisme queer désinhibé.

Love Lies Bleeding, dont le cœur de l'intrigue est l'histoire d'amour entre Lou et Jackie, se construit loin du réalisme et du dolorisme auquel les femmes lesbiennes sont souvent confrontées dans la fiction. Pas de romance entravée ou cachée, le film flirt avec le fantastique, multiplie les références à la culture LGBT, propose une représentation subversive mais heureuse. En somme, une sorte de Thelma et Louise sous stéroïdes et sans sous-textes, au sein duquel, une fois n'est pas coutume, les femmes ne sont pas forcément celles qui finissent dans un ravin. 

La Fiche

Genre : Romance, Thriller
Réalisatrice : Rose Glass
Acteurs : Kristen Stewart, Katy O'Brian, Jena Malone, Anna Baryshnikov, Dave Franco et Ed Harris.
Pays : Angleterre, Etats-Unis 
Durée : 1h44 min
Sortie : 2024
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Synopsis : Lou, gérante solitaire d'une salle de sport, tombe éperdument amoureuse de Jackie, une culturiste ambitieuse. Leur relation passionnée et explosive va les entraîner malgré elles dans une spirale de violence.