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"Love and Friendship" : Kate Beckinsale et Chloë Sevigny visitent Jane Austen

La romancière britannique Jane Austen a été maintes fois adaptée au cinéma, notamment depuis "Raison et sentiments" (1995), où jouaient Emma Thompson et Kate Winslet. Avec "Love and Friendship", l’Américain Whit Stillman met en scène un roman de jeunesse, "Lady Suzan" (1793-94, paru en 1871), avec un casting de charme : Kate Beckinsale et Chloë Sevigny dans un duo vaudevillesque avant l’heure.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Chloë Sevigny et Kate Beckinsale dans "Love and Friendship" de Whit Stillman
 (Blinder Films - Chic Films - Revolver Amsterdam - ARTE France Cinema)

Féminisme

On connaissait jusqu’ici à l’écran une Jane Austen dramatique, voire austère, entomologiste des sentiments. Même si des sarcasmes sur la société anglaise de l’époque (le tournant des XVIIIe et XIXe siècles) percent ici et là. Cela serait oublier qu’elle a aussi œuvré dans le genre gothique. Avec "Love and Friendship", l’écrivaine apparaît sous un jour drolatique. Elle dessine un portrait satirique de la société aristocratique anglaise, à travers celui de Lady Suzan (Kate Beckinsale). Cette belle veuve dans le besoin, à la réputation sulfureuse pour son charme irrésistible, est en quête d’un nouveau mari et d’un prétendant pour sa fille Frederica (Morfydd Clark).
Opportuniste, Lady Suzan séjourne de manoirs en châteaux, propriétés de ses riches relations, sous le prétexte de son récent veuvage. Il s’agit en fait de multiplier les rencontres avec les nobliaux du cru. Séduisante, cultivée, au patronyme prestigieux ; malgré son nombre d’heures au compteur, elle fascine les hommes. Les femmes, elles, ont l’impression de s’encanailler au contact d’une dame de qualité. Son indépendance incarne un féminisme en devenir, à l’image de sa quasi-contemporaine Mary Shelley (l’auteure en 1818 de "Frankenstein").

Allégresse

Ce portrait de femme exceptionnelle offre l’occasion de parler des hommes. Lady Susan abonde dans ce sens lors de ses échanges avec son hôtesse dévouée, Lady Lucy Manwaring (Jenn Murray), et sa meilleure amie Américaine exilée, Alicia Johnson (Chloë Sevigny), garante de mœurs avant-gardistes. La gent masculine en prend pour son grade, avec une distinction et une élégance toutes britanniques. Sir James Martin (Tom Bennett), dont la fortune est aussi grande que sa tête est vide, est qualifié d’"idéal" pour être "richissime mais pas très futé". Cela se vérifie dans ses saillies maladroites, des plus savoureuses.
Emma Greenwell, James Fleet, Jemma Redgrave, Morfydd Clark et Xavier Samuel dans "Love and Friendship" de Whit Stillman
 (Blinder Films - Chic Films - Revolver Amsterdam - ARTE France Cinema)
Jane Austen avait choisi la forme épistolaire pour son roman, Whit Stillman rappelle cette origine en écrivant en lettres anglaises sur l’image, pour présenter chacun de ses personnages et lors des déplacements de Lady Suzan. Un bel exercice de cinématographie littéraire. La soigneuse reconstitution bénéficie de magnifiques costumes et d’un tournage en location, dans des lieux historiques. L’utilisation de la musique, souvent en décalage, crée comme un commentaire perfide, en abîme de l’action. Si les portes ne claquent pas comme au vaudeville, dans "Love and Friendship", elles sont remplacées par les va-et-vient en carrosses, alors que les protagonistes sont toujours en mouvement, arrivent, partent, passent d’une pièce à l’autre... Ce qui participe de la légèreté de ton et de l’allégresse d’un film, où Jane Austen ajoute à sa perspicacité une drôlerie convaincante. 
"Love and Friendship" : l'affiche française 
 ( Sophie Dulac Distribution)

La fiche

Comédie de Whit Stillman (Grande-Bretagne-France-Pays-Bas) - Avec : Kate Beckinsale, Chloë Sevigny, Tom Bennett, Stephen Fry, Lochlann O'Mearain, Jenn Murray, Morfydd Clark, Emma Greenwell - 1h32 - Sortie : 22 juin 2016
Synopsis : Angleterre, fin du XVIIIe siècle. Lady Susan Vernon est une jeune veuve dont la beauté et le pouvoir de séduction font frémir la haute société. Sa réputation et sa situation financière se dégradant, elle se met en quête de riches époux, pour elle et sa fille adolescente. Épaulée dans ses intrigues par sa meilleure amie Alicia, une Américaine en exil, Lady Susan Vernon devra déployer des trésors d'ingéniosité et de duplicité pour parvenir à ses fins, en ménageant deux prétendants : le charmant Reginald et Sir James Martin, un aristocrate fortuné mais prodigieusement stupide…






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