"Les Règles du jeu" : quatre jeunes gens en quête d'emploi
4 / 5 ★★★★☆
Documentaire de Claudine Bories et Patrice Chagnard (France) - 1h46 - Sortie : 7 janvier 2015
Synopsis : Lolita n’aime pas sourire. Kevin ne sait pas se vendre. Hamid n’aime pas les chefs. Thierry parle wesh. Ils ont vingt ans. Ils sont sans diplôme. Ils cherchent du travail. Pendant six mois, les coachs d’un cabinet de placement vont leur enseigner le comportement et le langage qu’il faut avoir aujourd’hui pour décrocher un emploi. A travers cet apprentissage, le film révèle l’absurdité de ces nouvelles règles du jeu.
La dramaturgie du réel
Les deux cinéastes ont un don véritable pour donner une vie communicative à leur sujet, comme c'était déjà le cas pour "Les Arrivants". On retrouve dans "Les règles du jeu" cette passion pour l'humain, sa confrontation avec une difficulté et sa détermination, ou non, à s'en sortir.
Le film, comme le précédent, est dominé par une suite de face-à-face entre conseillers et demandeurs, où le processus systémique d'une démarche est mis en équation. Un sens affiné de la dramaturgie en ressort, où l'incompréhension, le décalage entre les protagonistes, leurs requêtes, leurs attentes et les réponses données génèrent tensions et humour. De ce point de vue, leurs réactions sont sujettes à plus d'une réparties touchantes ou savoureuses.
Les enjeux mis en perspective sont nourris par les personnalités différentes des jeunes demandeurs d'emploi. Il en résulte comme un suspense déterminé par les motivations plus ou moins grandes de chacun, leur adresse et difficultés à appliquer les conseils prodigués et leur évolution psychologique pour s'adapter au marché et à ses règles pour une hypothétique réussite. Toutefois, un point commun rassemble Lolita, Kevin, Hamid et Thierry. Tous s'étonnent qu'on leur demande de jouer un rôle, d'élaguer leur sincérité, alors qu'à leur yeux la valorisation de leur personnalité est la clé de voûte pour décrocher un emploi.
Cette hypocrisie dominante les déstabilise, car contraire à leur spontanéité. Cette impression donne tout son sens au titre "Les Règles du jeu" qui ne vise pas le sens ludique, mais celui d'endosser un rôle correspondant à des attentes, et non pas assumer sa propre intégrité. Claudine Bories et Patrice Chagnard jouent par ailleurs d'une cinématographie, à la fois tout en recul et intimiste. L'immeuble très moderne de l'institution est presque un personnage à part entière. Filmés à plusieurs reprises en extérieur, ces plans rythment le récit et son isolement au milieu d'un terrain vague, une friche, est comme le symptôme d'une situation perçue par les jeunes protagonistes comme absurde.
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