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"Les Derniers Parisiens", le 1er film de "La Rumeur" respire le sirop de la rue

Né en 1995, "La Rumeur" interprète un rap en marge du système classique de diffusion, avec un engagement politique fort. Hamé Bourokba et Ekoué Labitey, diplômés en sciences politiques et en cinéma, en sont les têtes de pont titillées par le 7e art depuis longtemps. Jusqu’à la réalisation d’un premier court, d’un téléfilm, puis des "Derniers Parisiens", leur premier long métrage : une réussite.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Reda Kateb dans "Les Derniers Parisiens" de Hamé Bourokba et Ekoué Labitey
 (Haut et Court)

Pigalle la Blanche

Place Blanche, à Paris, quartier Pigalle, la caméra subjective frôle les passants, se faufile, perçoit les sons, le suc de la rue : on sentirait presque les odeurs. Comme Nas qui retrouve son quartier après quelques mois de tôle. Reda Kateb, qui l’interprète, vieu pote d’Hamé et Ekoué depuis le lycée, est comme chez lui, et comme à chaque fois criant de vérité. Un de nos plus grands talents. Le film ne dérogera pas à cette ambiance, cette atmosphère urbaine, propre à ce quartier typique de Paris, sans jamais tomber dans la carte postale, mais en en percevant l’âme, à travers une chronique, où défile une faune locale, avec ses gueules, sa langue, sa gestuelle.

"Les Derniers Parisiens", ce sont ces ultimes survivants, derniers résidents, habitants des quartiers populaires que la conjoncture refoule de plus en plus vers l’extérieur de la capitale. Hamé et Ekoué les connaissent bien, puisqu’ils ont passé leur jeunesse dans le quartier. Aussi, quand le projet d’un premier film s’est dessiné, c’est tout naturellement vers eux qu’ils se sont tournés. On pense à "Neige" (1981) de Jean-Henri Roger et Juliet Berto, qui se déroulait dans le même quartier, avec un ton à la "Trainspotting" (1996) de Danny Boyle, pour la chronique d’une groupe de potes embarqués dans la galère avec comme objectif d’en sortir.

Reportage de J. Mirande / N. Loncarevic / S. Sonder :

Le génie de la place Blanche

Le naturalisme des "Derniers Parisiens" ne plaque aucunement la forme d’un reportage ou d’un documentaire. La fiction est bien présente, dans la portraitisation de personnages extrêmement bien dessinés, des rôles principaux au moindre troisième couteau. Jusqu’à ce "clodo" que l’on croise de loin en loin, sans dimension dramatique propre, qui personnaliserait le génie du quartier, en serait le fil rouge. L’intrigue, minimaliste, où un repris de justice (Reda Kateb) tente de se refaire en donnant une nouvelle dimension au bar tenu par son frère (magnifique Slimane Dazi, vu récemment dans "Chouf"), est prétexte à mettre face à face deux générations de fils d’immigrés, l’un fondu, "intégré" dans le paysage ambiant, l’autre plus ambitieux, désireux de tenir les rênes. L’affrontement fratricide est poignant, avec au centre Mélanie Laurent (toujours impressionnante de vérité), chargée de réinsérer Nas et maîtresse de son frère.

Mélanie Laurent et Reda Kateb dans "Les Derniers parisiens" de Hamé Bourokba et Ekoué Labitey
 (Haut et Court)

La confrontation ira crescendo jusqu’à un magnifique dialogue entre les deux frères ennemis, climax où ils se retrouveront comme en terrain neutre, après y avoir laissé des plumes, avec une leçon de vie et un sacré message d’espoir à la clé. Hamé et Ekoué signent un premier long métrage maîtrisé de bout en bout de quelque côté qu’on l’aborde, en terme d’images, d’ambiance, d’interprétation et de dramaturgie, sans complaisance ni revendication. Seulement un sentiment de vérité, juste et poignant. Respect.

"Les Derniers Parisiens" : l'affiche
 (Haut et Court)

LA FICHE

Drame de Hamé Bourokba, Ekoué Labitey (France) - Avec :  Reda Kateb, Slimane Dazi, Mélanie Laurent, Yassine Azzouz, Constantine Attia, Bakary Keita, Willy L'Barge, Lola Dewaere  – Durée: 1h45 – Sortie : 22 février 2017

Synopsis :Tout juste sorti de prison, Nas revient dans son quartier, Pigalle, où il retrouve ses amis et son grand frère Arezki, patron du bar Le Prestige. Nas est décidé à se refaire un nom et Le Prestige pourrait bien lui servir de tremplin…

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