"Les Colons", film-réquisitoire radical et implacable contre le génocide des Indiens au Chili

Le réalisateur chilien signe un premier long métrage brillant et engagé sur une page méconnue de l'histoire de son pays : l'extermination de la population autochtone. Sans concession aucune.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une image du film "Les Colons" de Felipe Galvez (QUIJOTE FILMS)

"Vous voulez faire partie de la nation, oui ou non Rosa ? Buvez ce thé !", hurle, excédé, l’envoyé du gouvernement à une Indienne qui se contente de le regarder droit dans les yeux. Elle refuse de se prêter à la propagande étatique en prenant la pose devant un photographe et en jouant sur une assimilation forcée. Cette scène décrit superbement l’histoire du génocide des populations autochtones du Chili.

Dans les salles mercredi 20 décembre, le film Los Colonos (Les Colons) est une charge radicale contre le colonialisme. Le réalisateur, Felipe Gálvez, porte un regard froid, acéré, sur cette période sombre du pays. Les coupables ? Il les désigne sans trembler. Pour son premier long métrage, le jeune cinéaste signe un thriller historique engagé et sans concession.

Au nom de la civilisation

Le film commence comme un western. A cheval, des pistoleros veillent à ce que les ouvriers finissent de clôturer des champs immenses, étendus à perte de vue. Aucun arbre, aucun obstacle ne vient briser le souffle du vent. On comprend vite qu'il y a une hiérarchie sociale figée dans le sang : les propriétaires terriens, leurs sbires, et les moins-que-rien, les autochtoches. Ces derniers travaillent pour les possédants ou sont alors pourchassés et tués. Les "petits-blancs" sont aussi tués dès qu’ils perdent leur utilité. "Ici, un manchot ne vaut rien", dit un pistolero à un ouvrier qui vient de perdre son bras, avant de l'abattre devant tout le monde.

Nous sommes au Chili en 1901, un riche propriétaire terrien, José Menendez, embauche trois cavaliers - un Anglais, un Américain et un métis - pour vider ses terres des populations autochtones et ouvrir la route vers l’Atlantique. Le métis, Segundo, voit devant ses yeux son peuple disparaître de la surface de la Terre au nom de la civilisation.

Terres vierges

Au nom de la sacro-sainte loi sur la propriété, les terres sont vidées de leurs habitants. Déshumanisés, les Indiens deviennent un "problème", des voleurs sans foi ni loi. Le scénario a été éprouvé ailleurs. La machine à exterminer peut commencer. Viols et meurtres de masse se succèdent. Que fait Segundo ? Il n’est ni blanc, ni indien. Entre les deux. La neutralité est le refuge des lâches, des indécis. Felipe Gálvez tend un miroir implacable à tous les protagonistes. Un génocide ne peut pas ne pas affecter tout le monde. Qui sont les profiteurs ? Qui les a couverts ? Quel est le rôle des autorités ?

La force de ce film est de prendre ses responsabilités et de nommer (montrer) les choses et non de se réfugier derrière une pseudo mise à distance des faits. Au Chili, comme dans de nombreux pays, l’Histoire est écrite par les vainqueurs. Au Chili, la population indigène a quasiment disparu. Les Colons, un film sans compromission sur l’extermination des Indiens. Felipe Gálvez, un cinéaste brillant et engagé.

L'affiche du film "Les Colons" de Felipe Galvez (DULAC DISTRIBUTION)

La fiche

Titre : Los Colonos (Les Colons)
Réalisation : Felipe Gálvez
Année de production : 2023
Durée : 97 minutes
Distribution : Dulac Distribution
Synopsis : Terre de Feu, République du Chili, 1901. Un territoire immense, fertile, que l’aristocratie blanche cherche à « civiliser ». Trois cavaliers sont engagés par un riche propriétaire terrien, José Menendez, pour déposséder les populations autochtones de leurs terres et ouvrir une route vers l’Atlantique. Sous les ordres du lieutenant MacLennan, un soldat britannique, et d’un mercenaire américain, le jeune métis chilien, Segundo, découvre le prix de la construction d’une jeune nation, celui du sang et du mensonge.

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