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"Le village de carton" : Michael Lonsdale rendosse la soutane

Après son triomphe dans « Des hommes et des dieux » de Xavier Beauvois en 2010 (Grand prix du Festival de Cannes, César du meilleur film, meilleur second rôle), Michael Lonsdale reprend du service en homme de Dieu dans « Le village de carton » d’Ermano Olmi (« L’Arbre aux sabots »), en prise avec les drames de l’immigration.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Michael Lonsdale dans "Le Village de carton" d'Ermanno Olmi
 (Bodega Films)

D'Ermanno Olmi (Italie), avec : Michael Lonsdale, Rutger Hauer, Massimo de Francovich, Alessandro Haber - 1h27 - Sortie : 29 janvier 2014

Synopsis : Un prêtre âgé est catastrophé par la déconsécration de son église et le fait qu’il se retrouve privé de tout rôle social. Mais un groupe d’émigrants clandestins ne tarde pas à trouver refuge dans cette « église » et à donner au vieux prêtre un nouveau rôle et de nouvelles responsabilités.

Crise de foi
Cinéaste régulier depuis la fin des années 50, Palme d’or en 1978 avec « L’Arbre aux sabots », s’il demeure un des plus grands cinéastes italiens - une espèce en voie de disparition -, Ermano Olmi n’a guère renoué avec le succès ces dernières années. « Le Village de carton » s’ouvre sur le désespoir d’un prêtre devant faire face à la désacralisation de l’église dans laquelle il a toujours officié. Dans la foulée, il se voit rattrapé par l’actualité des flux migratoires avec l’arrivée de migrants clandestins dans la demeure de Dieu. La conjonction de ces deux événements va le mettre devant les réalités et questionner sa foi.

Le prêtre du « Village de carton » n’a rien à voir avec Le père Luc de « Des hommes et des dieux ». Ce dernier se caractérisait par la portée charismatique de sa foi sur la communauté ecclésiastique dont il a la charge, alors que le premier est relégué au rang des indigents, sa paroisse ne faisant plus recette en fidèles. Bientôt obligé de quitter les lieux, il supplie sa hiérarchie de le laisser habiter le presbytère qu’il occupe depuis son ordonnancement, au risque de se retrouver SDF. Sa résistance vaine face aux promoteurs (identifiés par l’architecte qu’interprète Rudger Hauer), et ses hésitations à accueillir les migrants clandestins dans « son » église redéfinissent son rapport à Dieu et à la charité, pilier du christianisme.
"Le Village de carton" d'Ermanno Olmi
 (Bodega Films)

Théâtre filmé ?
La chasse aux clandestins réfugiés dans l’église donne une dimension de science-fiction politique au film. Les forces de l’ordre renvoient à quelque milice sortie d’un roman d’Orwell (« 1984 ») ou d’Huxley (« Le Meilleur des mondes »). Les aides reçues de l’intérieur par des groupuscules engagés, avec le danger terroriste à la clé, n’y est pas non-plus étranger. Les hésitations du vieux prêtre à accueillir les réfugiés traduisent sa déconnection avec le réel et sa mission chrétienne première, avec laquelle il va se reconnecter. Mais cette reconnexion n’est-elle pas non plus l’opportunité qui lui est offerte de prolonger sa fonction et de garder « son » église comme sanctuaire ?           

Ces dilemmes et ce parcours spirituel participent également de la sensibilisation au drame de l’immigration. Que ce discours vienne d’Italie n’est pas un hasard, puisque la péninsule est en première ligne, porte ouverte sur l’Europe avec l’île de Lampedusa, vers laquelle se ruent au péril de leur vie les populations du nord de l’Afrique et du Proche-Orient, en proie à des guerres fratricides.

Ermano Olmi, auteur du scénario original, maîtrise l’équation de toutes ces composantes, au rythme languissant qui a toujours été le sien. Huis-clos, puisque toute l’action est condensée dans l’enceinte de l’église et du presbytère, aux dialogues dominants, mais aussi nanti d’une belle utilisation des sons off (hélicoptères, coups de feux, cris…), « Le Village de carton » évoque plus une pièce de théâtre, où il aurait plus sa place que dans une salle de cinéma. 

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