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"Le Serment de Pamfir" : une Ukraine vue de l’intérieur, entre tradition et changement, dans un film onirique

Alors que l’Ukraine est en guerre, sort un film loin du conflit, le rare témoignage d’une identité nationale forte, complexe et en mutation.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
"Le Serment de Pamfir" de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk (2022). (CONDOR DISTRIBUTION)

Projeté à la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes, Le Serment de Pamfir, en salles mercredi 2 novembre, sort des canons du cinéma occidental. Le premier long métrage de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk rappelle cet autre réalisateur au nom difficile à mémoriser, le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, dont il pourrait être un équivalent slave. Magique.

Rédemption

Au cœur d’une Ukraine rurale, Pamfir retrouve sa femme et son fils dans une région isolée, à la frontière avec la Roumanie. Il a juré de délaisser les traffics et sa mauvaise vie. Quand son garçon, sur un coup de tête, met le feu à l’église locale. Pamfir est contraint de payer les frais de reconstruction. Il est alors tenté de renouer avec le passé trouble qu’il vient d’abandonner.

Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk a en commun avec Apichatpong Weerasethakul l’enracinement dans une nature animiste, cultuelle. Sous le prétexte des préparatifs d’un carnaval, Pamfir consulte les chamanes et pratique des cérémonies qui le lavent de sa vie passée. Le retour dans le giron familial est aussi celui avec un environnement nourricier. Mais le repenti va être contrarié par l’acte de son fils et la réparation qu’il veut assumer. Obligé de renouer avec le sport national pratiqué à la frontière - la contrebande -, c’est le sacrifice pour son fils, au péril de sa vie, qui lui permettra de se racheter. 

Le temps suspendu

Le projet de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk est de mettre à l’écran une singularité ukrainienne. La religion est un mélange d’orthodoxie et de paganisme qui dura longtemps après la christianisation en occident. Le temps semble s’être arrêté dans cette nature boisée et rocailleuse. La contrebande est à l'image de la corruption, réputée générale en Ukraine, et freine son adhésion à l’Union européenne. La quête de rédemption de Pamfir pourrait être celle recherchée par l’Ukraine. Mais aujourd’hui, la guerre change la donne.

Le Serment de Pamfir permet de toucher du doigt un pays dont on avait peu de nouvelles, aujourd’hui sous les feux de l’actualité suite à l’invasion russe. La créativité du premier long métrage de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk, rappelle, hormis  Apichatpong Weerasethakul, Nikita Mikhalkov (Urga) et Sergeï Paradjanov (Les Chevaux de feu). Un même soin apporté à l’image et au traitement quasi-ethnologique du sujet les rapprochent, avec une note spirituelle atavique, poétique.

L'affiche du "Serment de Pamfir" de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk (2022). (CONDOR DISTRIBUTION)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk
Acteurs : Oleksandr Yatsentyuk, Stanislav Potiak, Solomiya Kyrylova
Pays : Pologne / Chili / Ukraine / France
Durée : 1h42
Sortie : 2 novembre 2022
Distributeur : Condor Distribution

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Synopsis : Dans une région rurale aux confins de l’Ukraine, Pamfir, véritable force de la nature, retrouve femme et enfant après de longs mois d’absence. Lorsque son fils se trouve mêlé à un incendie criminel, Pamfir se voit contraint de réparer le préjudice. Mais devant les sommes en jeu, il n’a d’autre choix que de renouer avec son passé trouble. Au risque de tout perdre.

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