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"Le Grand cahier" : une éducation de la monstruosité

Ce film du Hongrois Janos Szasz, producteur, scénariste et réalisateur - adapté du roman d’Agota Kristof - concourait aux Oscars pour le Meilleur film étranger. Une œuvre dure, dans sa peinture d’une éducation allant à l’encontre de toute éthique, issue d’un contexte hostile, tant environnemental que conjoncturel. Ou comment se fabriquent des monstres à l’insu de leur plein gré.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
András Gyémánt, László Gyémánt dans "Le Grand cahier" de Janos Szasz
 (Pretty Pictures)

De Janos Szasz (Hongrie), avec :  András Gyémánt, László Gyémánt,, Gyöngyvér Bognár - 1h49 - Sortie : 19 mars 2014

Synopsis : Pendant la Seconde Guerre mondiale en Hongrie, des jumeaux sont envoyés à la campagne, chez leur grand-mère. La mâratre s'avère des plus sadiques à leur égard, leur faisant subir mille maux. Dans un pays dévasté, confrontés au froid, à la faim et à la cruauté humaine, ils ont pour seul refuge un grand cahier, dans lequel ils décrivent leur quotidien où s'expérimente les cruelles leçons de leur aïeul.

Une noirceur édulcorée
Curieux film que ce "Grand cahier", dont le réalisateur assume de ne pas avoir voulu trop coller au roman en raison de l'explicité des violences infligées à ses deux jeunes protagonistes. Rassurons-nous, ce que l’on en voit à l’écran est suffisant pour comprendre leur calvaire. 

Les deux jeunes acteurs, non professionnels, sont très convaincants dans leurs prestations, tout comme l’interprète de leur grand-mère, leur bourreau. Mais cette adaptation du "Grand cahier" garde quelque chose d’à moitié accompli, dans la monstration des exactions commises sur ces enfants. Cet acharnement va bouleverser leur mode d’appréhension du monde. Pour survivre, ils vont se durcir, devenir implacable. jusqu'à la monstruosité.

András Gyémánt, László Gyémánt et Piroska Molná dans "Le "Grand cahier" de Janos Szasz
 (Pretty Pictures)

La voie du monstre
Rien ne prédestinait ces deux jumeaux à ce qui les attend. Une naissance heureuse, au sein d’un couple uni, que la guerre va projeter dans un univers autre. Histoire de famille d’abord. Ils sont qualifiés de "bâtards" par cette grand-mère omnipotente qui méprise sa fille suite à des préjugés sans fondement, justification, à ses yeux, du traitement infligé aux enfants. Pour s’en protéger, ils vont développer un système d’autodéfense en s’infligeant des sévices "pour ne plus avoir froid, ou avoir faim". Une démarche qui va les conduire sur une voie dénuée de toute morale à l’égard du prochain, d'aucune compassion. Etant les victimes originelles, ils n’ont aucune raison d’épargner les autres.

La démonstration est limpide de la part de Janos Szasz. La progression du récit ne l’est pas moins, jusqu’à une fin qui donne toutes les clés. Mais le film en donne soit trop ou pas assez. Il en ressort une impression d’à peu près, contradictoire à la brutalité du message. Aussi "Le Grand cahier" semble naviguer entre deux eaux, entre adaptation fidèle et mise en scène d'une trop grande retenue.

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