"La Tortue rouge" : robinsonnade poétique franco-belgo-japonaise
Le traditionnel comme credo
Dans un style graphique réaliste, "La Tortue rouge", sort le cinéma d'animation des sempiternelles histoires d'animaux anthropomorphes régulièrement servis. Sa réalisation traditionnelle, non numérique, est un autre de ses atouts. Ici un homme est un homme, une femme est une femme et un enfant, un enfant. Paradoxalement le dessin et la gouache ou l'aquarelle, "à la mano", donnent plus de réalisme que le rendu digital, aujourd'hui prépondérant.Le retour à l'animation traditionnelle, avec de petites incartades pour le mouvement des vagues ou des feuillages, apporte beaucoup de chaleur au film. Michael Dudok de Wit fait un véritable travail de mise en scène, apportant de l'épaisseur à ses personnages, à la représentation de la faune (irrésistible groupe de crabes, leitmotiv du film), mais aussi dans le milieu où se déroule l'histoire. Une île déserte aux paysages paradisiaques, mais non sans dangers (le gouffre). Ses cadrages jouent de plans larges somptueux, descriptifs d'une nature luxuriante, ou d'une mer maternelle, quand elle n'est pas démontée, lors de la tempête introductive et du tsunami. Les scènes de rêve qui rythment le récit sont autant oniriques que fantastiques, et introduites par surprise.
Intergénérationnel
Michael Dudok de Wit joue de merveilleuses harmonies colorées, notamment dans ses nuits de grisailles, la rencontre entre le turquoise océanique et la blondeur des plages, l'émeraude de la forêt de bambous... Auteur du scénario, le cinéaste inscrit dans le cadre d'une aventure humaine, les étapes de toute vie. Les personnages n'ont pas de nom et n'échangent aucun dialogue. Le film est sonore et non parlé, une gageure qui fonctionne parfaitement à l'écran, en lui apportant une dimension universelle. Lui, vient de nulle part et atterrit sur une île microcosme où va se jouer en résumé la condition humaine. Elle, est une créature féérique, une tortue se transformant en ravissante jeune femme, comme la selkie des îles Shetland est un phoque se métamorphosant en naïade. Leur enfant tiendra de l'un et de l'autre, comme toute progéniture relève d'un père et d'une mère.
Familial et intergénérationnel, "La Tortue rouge" sort des sentiers battus de l'animation par sa beauté formelle et son propos. Sa facture traditionnelle rend justice à cet art minutieux qui a laissé largement place au numérique. Les studios Ghibli, qui participent au film, lui a toujours donné la prépondérance et son influence est visible. Ce très beau travail de coopération distille un charme féérique.
LA FICHE
Film d'animation de Michael Dudok de Wit (France-Belgique-Japon) - Durée : 1h20 - Sortie : 29 juin 2016
Synopsis : Un naufragé trouve refuge sur une île deserte au milieu de l'océan. Ses tentatives de s'échapper en radeau sont compromises à chaque fois par une mystérieuse force invisible qui détruit son embarcation. Jusqu'au jour où une tortue à la carapace rouge apparaît. L'animal se transforme en une ravissante jeune femme avec laquelle le Robinson va faire sa vie et avoir un enfant...
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