"La Tête froide" : le premier long métrage de fiction de Stéphane Marchetti explore une irrépressible envie d'aider sur fond d'immigration irrégulière
La Tête froide, à découvrir en salles le 17 janvier, est le premier long métrage de fiction de Stéphane Marchetti. Le cinéaste français, co-réalisateur avec Thomas Dandois du documentaire Calais, les enfants de la jungle (2017), s'intéresse à la psychologie d'un personnage, qui décide d'aider un jeune réfugié en situation irrégulière, faisant fi des risques encourus, par lui-même et ses proches. Son héroïne, Marie (Florence Loiret Caille) est une femme de 45 ans qui n’a justement pas, a priori, les moyens matériels d’en être une.
Dans les Alpes, à la frontière entre la France et l’Italie, elle travaille dans un bar et arrondit ses fins de mois en trafiquant des cigarettes entre les deux pays grâce aux précieuses informations fournies par son amant Alex, policier aux frontières. C’est durant l'un de ses trajets qu’elle croise le chemin de Souleymane (Saabo Balde), un migrant gambien qui essayait de rallier la France par la montagne, une simple escale avant sa destination finale, le Royaume-Uni.
En toute candeur, Marie lui permet de rejoindre sa destination et quand il la remercie, elle évoque cette "magie" qui lui permet de passer les frontières sans devoir s’inquiéter des contrôles frontaliers. Évidemment, l’information ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Souleymane lui propose immédiatement de devenir passeuse. Une idée qu’elle balaye, avant de le conduire dans un refuge. Malheureusement, la vie de Marie n’est pas un long fleuve tranquille parce qu’elle a vraiment besoin d’argent. Rien que pour continuer à occuper son emplacement sur le camping où elle vit. Quand Souleymane, prié de quitter le refuge, lui demande de l’héberger, sa proposition refait naturellement surface.
Une succession de "mauvaises décisions"
La Tête froide est une antithèse, comme le rappelle Stéphane Marchetti, parce que le cinéaste filme une femme impulsive. "Je prends souvent de mauvaises décisions", résume Marie dont les mots sont confirmés dans une succession de scènes où on la voit, inlassablement, agir de la sorte. Florence Loiret Caille dépeint avec un certain talent une personne irrationnelle n'inspirant, par accumulation, aucune sympathie. Tout comme son alter ego, Souleymane. Légitimement obsédé par le fait de rejoindre sa petite sœur, mineure sous bonne garde mais livrée à elle-même, qui a réussi à poursuivre son voyage, il ne semble guère se préoccuper du sort de Marie qui prend des risques démesurés.
Le rapport entre les deux personnages de La Tête froide semble moins équilibré que celui proposé, par exemple, récemment, par Le Prix du passage de Thierry Binisti. Cette asymétrie vient souligner le puissant ciment que peuvent constituer deux précarités qui se répondent inconsciemment. Si l’empathie est évidemment le moteur de tous ceux qui viennent en aide aux migrants en situation irrégulière, le long métrage de Marchetti met en exergue une dimension supplémentaire, son caractère, semble-t-il, irrépressible. Et c'est là que réside l'originalité du propos de La Tête froide.
Ici, la dynamique psychologique d'un individu prend le pas sur la logistique, en comparaison d'autres films sur le sujet. L’immigration irrégulière en Europe étant une thématique que le cinéma a exploré sous presque toutes ses coutures. Moi, Capitaine de Matteo Garrone, l'un des premiers films que le public français a découvert en salles cette année, en est un exemple récent. Pour sa part, La Tête froide défend une thèse : venir en aide, quelles que soient les circonstances, se résume parfois à un simple élan, qui échappe à la raison, souvent lié à de profondes convictions et qui tient surtout à notre humanité commune.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : Stéphane Marchetti
Distribution : Florence Loiret Caille, Saabo Balde et Jonathan Couzinié
Pays : France
Durée : 1h32
Sortie : 17 janvier 2024
Distributeur : UFO Distribution
Synopsis : Dans les Alpes enneigées, en plein hiver, pour boucler ses fins de mois, Marie, 45 ans, trafique des cartouches de cigarettes entre la France et l’Italie avec l’aide de son amant Alex, policier aux frontières. Lorsqu’elle rencontre Souleymane, jeune réfugié, prêt à tout pour rejoindre sa petite sœur, elle s’embarque dans un engrenage bien plus dangereux qu’elle ne l’avait imaginé.
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