« La Sirga », fable filmique sur un monde paupérisé
Monde anonyme
Si William Vega parle indéniablement de son pays, il n’est jamais nommé, comme le conflit qui l’embrase et pousse son héroïne à quitter son village, décimé de ses habitants et de sa famille. Seul avatar de ce drame, l’image d’ouverture d’un empalé, assez éloquente pour être parlante, et suffisante pour situer le contexte. Sinon cette femme fuyante, en quête de sécurité. Cette guerre imaginaire et cruelle est celle à laquelle doit faire face une population en déroute face à une crise qui pourrait être fatale. Si elle touche la Colombie, elle concerne aussi une bonne partie du monde qui se paupérise.
Film militant, sans aucun doute, « La Sirga » emprunte une dramaturgie tout autant pauvre que son propos. Pas d’intrigue, ou si peu, mise en images en force dans sa sobriété, dont le film tire parti. A l’instar d’un Bresson ou d’un Dumont, avec des cadrages à la perfection, « La Sirga » est à ce titre plein d’ambiance et d’atmosphère. Un suspens minimaliste intervient bien lors du retour du fils, mais il reste périphérique.
Ennuie salutaire
William Vega filme merveilleusement la nature environnante avec laquelle est en prise ses protagonistes. Tant, qu’ils semblent se battre contre un pays, plus que les éléments, très présents dans le film. Ils en apparaissent comme les victimes ignorées, dans cette contré éloignée de tout, séparés par un lac immense. Grâce à lui s’installe une poésie filmique : départageant les terres, il est aussi le seul moyen de communication entre elles, par le commissionnaire embarqué qui vient régulièrement à l’hôtel lacustre, à l'origine d’un rapprochement avec l’héroïne.
Des villes riveraines dont on entend souvent parler, l’on ne verra rien. « La Sirga » est enfermé sur un lieu, l’hôtel du même nom en réfection, et quelques plans sur le lac. Tant et si bien que l’on peut s’y ennuyer. Les scènes enquillent des sujets issus du quotidien : la préparation du repas, du bricolage, des traversées en barque… Rien n’est explicité, mais tout est mis à plat. Aussi, tout est là.
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