"La Ferme des Bertrand" : trois frères paysans racontent cinquante ans d'une vie de labeur sur fond de crise agricole

Alors que les tracteurs bloquent Paris et les préfectures de France, le hasard de la programmation voit sortir un documentaire édifiant sur une vie à la ferme de 1972 à 2022.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
"La Ferme des Bertrand" de Gilles Perret (2024). (LAURENT COUSIN)

Alors que le monde agricole gronde depuis une semaine, La Ferme des Bertrand, qui sort mercredi 31 janvier, tombe à pic pour comprendre la nature d’un travail hors normes et rarement évoqué, ou idéalisé à l’écran.

Documentariste du monde du travail, Gilles Perret filme pour la deuxième fois les frères Bertrand, éleveurs de bovins en Haute-Savoie. Mais leur première apparition, dont il n’est pas l’auteur, remonte à 1972, et des extraits sont intégrés au film. Leur deuxième présence à l'écran (Trois frères pour une vie) est demeurée confidentielle en 1999, mais cette dernière, La Ferme des Bertrand, est la bonne, grâce à une meilleure distribution, et s’étend jusqu’à 2022. Le film "profite" d'une actualité chaude, avec les blocages paysans actuellement un peu partout en France.

Écrit d’avance

Haute-Savoie 2022 : les frères Bertrand, trois célibataires, et leur belle-sœur Hélène, se remémorent cinquante ans d’une vie consacrée à leur élevage de vaches laitières. En 1972, c’est la reprise quasi forcée de la ferme et sa modernisation, après la retraite des parents. 1992 voit la cession du domaine à leur neveu Patrick et son épouse Hélène. Mais son mari disparu, elle doit maintenant s’en séparer à son tour et trouver un nouveau propriétaire.

Cette saga familiale recoupe celle du monde rural et agricole, avec une production, une mécanisation, et aujourd’hui une informatisation en constante évolution. En parallèle, s’affirme un mode de vie, des choix et des devoirs qui participent d’une intime conviction. Celle d’être à sa place dans la continuité d’une histoire, d’un historique. À les entendre, les frères Bertrand et leur belle-sœur sont comme les héritiers d’un parcours balisé d’avance, à la fois intime, social et économique. Le bilan qu'en fait André, est mitigé : "une réussite économique, mais un échec humain". Amer.

Une histoire en marche


Gilles Perret prend son sujet à bras-le-corps avec une simplicité qui est celle d’une rencontre et d’une transmission. Une naturalité spontanée s’établit entre le spectateur et cette famille de trois frères et une belle-sœur agriculteurs. Ils expliquent et vivent devant nos yeux une conversion à la terre au départ non planifiée, devenue une raison de vivre. Filmée au rythme des saisons, la dureté du métier de la terre se mêle à une modernisation qui côtoie l’utilisation d’outils ancestraux comme la faux.

La Ferme des Bertrand témoigne d’une histoire agricole en marche. Le film transmet cette mutation, mais c’est aussi une histoire humaine dans le parcours de chacun des trois frères et de leur belle-sœur dans la distribution des tâches ou la responsabilité qu'ont les agriculteurs dans le façonnage du paysage tout en restant productifs. Autant de facteurs, d’investissements personnels, et de rapports humains que transmet La Ferme des Bertrand, à la rencontre d’une réalité que l’on se passionne à découvrir, ou à mieux connaître.

L'affiche de "La Ferme des Bertrand" de Gilles Perret (2024). (JOUR2FETE)

La fiche

Genre : Documentaire
Réalisateur : Gilles Perret
Pays : France
Durée : 1h29
Sortie : 31 janvier 2024
Distributeur : Jour2Fete

Synopsis : Cinquante ans dans la vie d’une ferme… Haute-Savoie, 1972 : la ferme des Bertrand, exploitation laitière d’une centaine de bêtes tenue par trois frères célibataires, est filmée pour la première fois. En voisin, le réalisateur Gilles Perret leur consacre en 1997 son premier film, alors que les trois agriculteurs sont en train de transmettre la ferme à leur neveu Patrick et sa femme Hélène. Aujourd’hui, 25 ans plus tard, le réalisateur-voisin reprend la caméra pour accompagner Hélène qui, à son tour, va passer la main. À travers la parole et les gestes des personnes qui se sont succédé, le film dévoile des parcours de vie bouleversants où travail et transmission occupent une place centrale : une histoire à la fois intime, sociale et économique de notre monde paysan.

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