"L'Echange des princesses" : Marc Dugain adapte avec faste Chantal Thomas

Mariages dynastiques

Marc Dugain avait jusqu’à maintenant adapté au cinéma trois de ses romans : "Une exécution ordinaire", "La Bonté des femmes" et "La Malediction d’Edgar". "La Chambre des officiers" de François Dupeyron portait également à l’écran son roman éponyme. Si Marc Dugain fait preuve d’éclectisme dans ses personnages, l’Histoire y tient bonne place. Ses romans et films font intervenir Staline, John Edgar Hoover, ou la guerre 14-18. Désireux de passer à un grand film à costumes, il s’attaque à la fin de la Régence et au début de règne de Louis XV dans "L’Echange des princesses", un curieux fait historique sorti de l’oubli par Chantal Thomas.
Homme de mots, Marc Dugain a aussi de grandes ambitions picturales quand il prend les casquettes de réalisateur et de metteur en scène. Etrange affaire que ce double mariage conçu par le Régent (Olivier Gourmet) pour rapprocher la Maison France et celle d’Espagne afin de mettre fin à 12 ans de guerre qui ont coûté la vie à deux millions d’hommes. Ces mariages forcés, les princes et princesses n’ayant vocation qu'à faire perdurer les dynasties royales, va bouleverser l’enfance ou l’adolescence de leurs protagonistes, jusqu’au désastre de leur plus tendres années.

Reportage : N. Hayter / S. Gorny / A. Dupont / L. Crouzillac / P. Guény

Récits parallèles

De ce sujet passionnant, Marc Dugain déduit un film à l’image fastueuse sans jamais négliger l’émotion, tout en creusant la psychologie de ses personnages sans en faire un cas d’école ou didactique. La direction de la photographie confiée à Gilles Porte, est changeante, pleine d’ambiance, en intérieur comme à l’extérieur, multipliant les heures et les chaleurs. Les décors, tous filmés en location, sont historiques, et les costumes magnifiques reflètent la richesse du temps tout comme l’exigence de la reconstitution (ils ont coûté à eux seuls un million d’euros !). Mené selon deux récits parallèles - celui de l’infante d’Espagne de 4 ans à la cour de France et de la fille du Régent à Madrid -, le récit n’est pas pour autant paresseux. Les intrigues sont renouvelées, avec une progression dramatique dont il faut garder la résolution en réserve…

Evitant d’être littéraire, mais en respectant le style du temps, les dialogues sont ciselés dans la bouche d’acteurs impliqués, jusqu’au plus jeunes qui font preuve d’une maturité étonnante. Avec une mention spéciale à Lambert Wilson en Philippe V d’Espagne torturé par la culpabilité, et Catherine Mouchet, toujours d’une justesse poignante, en mère de substitution de Louis XV et de l’infante. Un très beau film, au sujet original, qui fait montre de ce que le cinéma français sait réaliser de mieux quand il est ambitieux et exigeant.

LA FICHE

Synopsis : 1721. Une idée audacieuse germe dans la tête de Philippe d’Orléans, Régent de France… Louis XV, 11 ans, va bientôt devenir Roi et un échange de princesses permettrait de consolider la paix avec l’Espagne, après des années de guerre qui ont laissé les deux royaumes exsangues. Il marie donc sa fille, Mlle de Montpensier, 12 ans, à l’héritier du trône d’Espagne, et Louis XV doit épouser l’Infante d’Espagne, Anna Maria Victoria, âgée de 4 ans. Mais l’entrée précipitée dans la cour des Grands de ces jeunes princesses, sacrifiées sur l’autel des jeux de pouvoirs, aura raison de leur insouciance…