"L'Abbé Pierre : une vie de combats" : le destin exceptionnel du créateur d'Emmaüs dans un biopic sans surprise
Paysage céleste, lumière bleutée, ciel étoilé, la silhouette de l'Abbé Pierre entre toute reconnaissable, béret et dos courbé, avance à petits pas dans ce décor onirique. "Ai-je rendu le monde un peu meilleur ?", s'interroge l'abbé, qu'on imagine sans peine au seuil de la mort. Le ton est donné. L'Abbé Pierre : une vie de combats revient ensuite pendant plus de deux heures sur l'épopée de cet homme à la destinée exceptionnelle, de son séjour de courte durée chez les Capucins, jusqu'à son dernier souffle, en passant par son rôle dans la Résistance, la création des compagnons d'Emmaüs et son constant engagement pour défendre les plus démunis. Ce biopic sort en salles le 8 novembre.
"Je ne veux pas vivre comme un privilégié, je voudrais être un saint", confie celui qui s'appela Henry Grouès, né à Lyon en 1912 dans une famille bourgeoise, avant de devenir l'Abbé Pierre. La confidence est lâchée dans les champs, entre deux jeunes hommes adossés à une botte de foin. On est en 1939, Henry vient de se faire poliment congédier par les Capucins, un ordre austère auquel sa santé fragile ne peut convenir. Le film revient sur son engagement dans la Résistance, dans le maquis du Vercors, et son rôle dans le sauvetage d'enfants juifs. C'est à cette époque qu'il rencontre Lucie Coutaz, qui deviendra sa secrétaire et sa complice de toujours.
Un beau premier rôle pour Benjamin Lavernhe
De sa courte carrière en politique (il fut député), en passant par la création d'Emmaüs, l'appel de 1954 et l'internationalisation du mouvement Emmaüs, en passant par la starisation de l'abbé, le film relate les différentes étapes de la vie de cet homme à la santé fragile, mais à la volonté de fer. Une ténacité qui n'empêche pas les doutes.
Cette personnalité complexe, marquée par une aspiration mystique, mais également ambiguë dans son rapport au pouvoir et aux médias, est incarnée par le pensionnaire de la Comédie-Française Benjamin Lavernhe, que l'on est plus habitué à voir dans des comédies au cinéma (Le sens de la fête, Joséphine dans les Cévennes, Le Discours…).
Malgré la prestation de ce dernier, ainsi que celles d'Emmanuelle Bercot ou de Michel Vuillermoz, investis dans leurs rôles, le film peine à nous convaincre. Entrer dans l'intimité d'une icône, filmer la sainteté, la misère, les combats, révéler une autre facette de l'abbé ? On ne saisit pas très bien l'ambition de ce film entrelardé d'archives. Truffée d'effets visuels d'un autre âge (gratuits), alourdie par une musique omniprésente qui souligne les excès de pathos, la mise en scène manque cruellement de sobriété et de surprises.
Il faut attendre la toute fin de cette hagiographie, quand l'Abbé Pierre en est à tirer sa révérence, pour voir apparaître à l'écran une vérité sans effets et sans musique. Ainsi les derniers moments partagés avec Lucie, l'amie de toujours, avec qui l'abbé forme un couple étrange, ou encore l'annonce de la transmission à son successeur, pleine de tendresse et de drôlerie, dans le réfectoire d'un centre Emmaüs. Des scènes toutes simples, qui esquissent, trop tard, une dimension véritablement humaine à ce personnage devenu une image d'Épinal.
La Fiche
Genre : Biopic, Drame
Réalisateur : Frédéric Tellier
Acteurs : Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Michel Vuillermoz
Pays : France
Durée : 2h18
Sortie : 2023
Distributeur : SND
Synopsis : Né dans une famille aisée, Henri Grouès a été à la fois résistant, député, défenseur des sans-abris, révolutionnaire et iconoclaste. Des bancs de l’Assemblée nationale aux bidonvilles de la banlieue parisienne, son engagement auprès des plus faibles lui a valu une renommée internationale. La création d’Emmaüs et le raz de marée de son inoubliable appel de l’hiver 54 ont fait de lui une icône. Pourtant, chaque jour, il a douté de son action. Ses fragilités, ses souffrances, sa vie intime à peine crédibles sont restées inconnues du grand public. Révolté par la misère et les injustices, souvent critiqué, parfois trahi, Henri Grouès a eu mille vies et a mené mille combats. Il a marqué l’Histoire sous le nom qu’il s’était choisi : l’Abbé Pierre.
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