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"Juste la fin du monde" : le brûlant huis clos de Xavier Dolan

Le cinéaste québécois s'est mis en danger avec ce nouveau film : adaptation d'une pièce de théâtre, un casting de stars françaises… Pari réussi : la magie Dolan fait son œuvre, une nouvelle fois.
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Marion Cotillard dans "Juste la fin du monde"
 (Sons of Manual, MK2 Productions, Téléfilm Canada)

"Je ne sais pas comment ils vont réagir. Peut-être qu'ils ne pleureront même pas". Louis revient dans sa famille après douze ans d'absence. L'objet de sa visite : annoncer sa mort prochaine. Jeune auteur respecté, intellectuel, homosexuel, il a coupé les ponts depuis longtemps. Oh, il n'oublie pas un anniversaire, toujours la carte postale, les deux lignes réglementaires. Et rien d'autre. Mais ça y est, il est là, Louis. Le héros, le disparu.

On l'admire, on l'attend, mais on craint de lui faire honte. On a aussi envie de lui dire ses quatre vérités. Que ça ne se fait pas, tout de même, d'oublier sa mère, son frère et sa sœur. Même si on a du succès, même si la ville vous aspire.

Débute un huis clos pesant, où chacun voudrait dire ce qu'il a sur le cœur. Mais personne ne trouve les mots, pas les bons en tous cas. Louis guette le moment où il pourra annoncer que c'est fini, que c'est sa tournée d'adieux. Eux attendent l'instant où ils pourront déballer leur amertume et leur amour. Alors, chaque échange prend une drôle de tournure, les mots se heurtent, dérapent. Chaque phrase a sa tension propre, chaque réplique peut devenir une lame. Derrière les conversations banales, toutes le vannes sont prêtes à lâcher, tension retenue depuis si longtemps.

En adaptant la pièce de Jean-Luc Lagarce, Xavier Dolan n'a pas choisi la facilité. Le sujet est grave, sans espoir. Il impose le huis clos. Pour le porter, le jeune réalisateur a choisi cinq grands comédiens français, abandonnant pour une fois sa "troupe" et, comme dit, sa "zone de confort". Le résultat est extrêmement convaincant.


Gaspard Ulliel est vraiment étonnant, magnifiquement filmé et dirigé. Silencieux, hésitant, troublé, ne parvenant pas à retrouver le rythme de son clan. Face à lui, quatre personnages colorés, très typés : la mère (Nathalie Baye qui retrouve Dolan après "Laurence Anyways"), coupe au carré, trop maquillée, bavarde, un poil vulgaire, elle dissimule bien ses failles. Léa Seydoux est la petite dernière, la sœur que Louis a à peine connue. Le joint n'est jamais loin, la crise de nerfs non plus. Surtout quand c'est le grand frère qui l'asticote. Vincent Cassel est une grande gueule fragile, râleur, cassant et attachant malgré tout. Sa femme est incarnée par une Marion Cotillard qu'on n'a jamais vu dans ce registre. Douce, apaisante, mais tellement peu sûre d'elle. Elle comprend avant les autres, mais elle a tant de mal à trouver les mots justes.

Avec cette équipe au sommet, Dolan construit un film magnifique. Plus sobre qu'à l'accoutumée, il laisse le temps au temps, nous offrant tout de même quelques ruptures de rythme, des flashbacks clippés joliment mis en musique. Ceux qui doutaient de la capacité du Canadien à franchir ce genre d'obstacle, à mettre son talent au service d'autres auteurs, en sont pour leur frais. Une fois de plus, il parvient à nous en mettre plein les yeux. La grande classe.

Xavier Dolan était à Toulouse pour présenter son film en avant-première.

LA FICHE

Drame de Xavier Dolan – avec Marion Cotillard, Gaspard Ulliel, Léa Seydoux, Vincent Cassel et Nathalie Baye – Durée : 1h35 – Sortie : 21 septembre 2016.

Synopsis : Adapté de la pièce de théâtre éponyme de Jean-Luc Lagarce, le film raconte l’après-midi en famille d’un jeune auteur qui, après 12 ans d’absence, retourne dans son village natal afin d’annoncer aux siens sa mort prochaine

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