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Jafar Panahi nous embarque dans son "Taxi Téhéran"

Ours d'or à la dernière Berlinale, "Taxi Téhéran" concrétise la énième récompense allant à un film de Jafar Panahi, que cela soit à Cannes (Caméra d'or pour "Le Ballon blanc"), à la Mostra de Venise (Lion d'or pour "Le Cercle")… Sorti sous la bannière iranienne, son dernier film n'est pas distribué dans son pays d'origine, comme tous les autres. Un drôle de film drôle sur la société iranienne.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Jafar Panahi dans son film "Taxi Téhéran"
 (Jafar Panahi Film Productions )
La note Culturebox
4 / 5                  ★★★★☆

De Jafar Panahi (Iran), avec : Jafar Panahi - 1h22 - Sortie : 15 avril 2015

Synopsis : Installé au volant de son taxi, Jafar Panahi sillonne les rues animées de Téhéran. Au gré des passagers qui se succèdent et se confient à lui, le réalisateur dresse le portrait de la société iranienne entre rires et émotion...
Road movie pamphlétaire

Le cinéaste a connu moult vicissitudes avec les autorités iraniennes. Films interdits, emprisonnements, interdiction de filmer, de quitter le pays… Ce n'est pas "Taxi Téhéran" qui va arranger les choses. Il n’y a pas pourtant de quoi fouetter un (s)chat(h). Critique militant du régime des ayatollahs, Jafar Panahi fait passer le message à chacune de ses rares apparitions, mais surtout par ses films, considérés, comme lui, subversifs. "Taxi Téhéran" est un docu-fiction pamphlétaire, mordant, sur la société iranienne.

Road movie à travers les rues de Téhéran, le film est conduit dans tous les sens du terme par Panahi, réalisateur, scénariste, producteur et au volant du taxi. On ne sort pas du véhicule, équipé de plusieurs caméras numériques, mais aucun sentiment claustrophobe, puisque des rues rarement vues à l’écran défilent à travers le pare-brise et les fenêtres. Mais ce sont évidemment les clients successifs du taxi qui apportent tout le sel. Des figures savoureuses qui ont toutes leur mot à dire ; le client qui fustige la criminalité, tout en se disant voleur, l’admirateur de Jafar Panahi qui l’a reconnu, la nièce du réalisateur, le pompon revenant à ces deux sœurs chargées d’un poisson rouge dans un bocal, pressées de se rendre à une cérémonie pour rester vivantes en bonne santé…
"Taxi Téhéran" de Jafar Panahi
 (Jafar Panahi Film Productions )


Censure

Si chaque scène semble spontanée, les dialogues sont écrits, inspirés de véritables conversations entre Panahi et des clients recueillis lors de ses repérages et essais en amont du tournage. Ses acteurs sont donc non professionnels mais jouent leur propre rôle dans des reconstitutions. L’impression de vérité et de liberté qui se dégage de chaque scène participe de l’humour, comme cet accidenté monté à bord avec sa compagne, le blessé demandant à écrire son testament. Les réflexions de la nièce du réalisateur, qu’il va chercher à l’école, valent aussi leur pesant de cacahouètes. Sans parler de la conclusion qui dynamise le film.

Film sur la société iranienne contemporaine, "Taxi Téhéran" traite aussi du cinéma, par sa forme, continuellement en mouvement de l’intérieur, mais aussi de la situation du cinéma en Iran et de la censure subie, Jafar Panahi sachant de quoi il parle. Ainsi ce développement sur "les films autorisés", soumis à une liste de conditions qui rappelle le code Hayes des années 1920 à 1960 aux Etats-Unis, sur des critères autant politiques que sociétaux. Le régime iranien s’assouplirait, espérons que cela profitera à Jafar Panahi, dont les films sont seulement visibles en DVD échangés sous le manteau en Iran. Panahi, résistant, fait avancer la société iranienne : il faut rouler dans son "Taxi Téhéran". 

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