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"Insiang", le flamboyant mélodrame philippin de retour 40 ans après sa sortie

Décédé en 1991 à 52 ans, le réalisateur philippin Lino Brocka a laissé une filmographie forte de 58 œuvres. Le cinéma philippin s'est ouvert à l'Occident grâce notamment à "Insiang", sorti en 1976. Brocka est depuis reconnu comme un des plus grands réalisateurs locaux. "Insiang" ressort aujourd'hui dans les salles dans une très belle version restaurée 4K : une tragédie du quotidien. Magnifique.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Hilda Koronal dans "Insiang" de Lino Brocka
 (Carlotta Films)

Cocotte minute

Situé dans un bidonville de Manille, "Insiang" fait penser par le cadre au Pasolini des premières heures, au Kurosawa de "Dodes'Ka-Den" ou à l'Ettore Escola d'"Affreux, sales et méchants". Le ton du film de Lino Brocka est cependant totalement différent. Résolument romanesque, il s'attache au personnage éponyme du titre, une jeune femme vivant dans un taudis sous la coupe de sa mère marâtre, en quête d'émancipation, dont le destin va sombrer dans la tragédie.

Lino Brocka construit savamment son récit, en exposant dans un premier temps ses personnages, identifiés au milieu dans lequel ils évoluent. Une mère autoritaire, soucieuse de la tenue sa "case" surpeuplée, des jeunes femmes asservies et dépendantes, des petits malfrats dilettantes et alcoolisés… Si l'environnement n'est pas à la liesse, Brocka capte la vie foisonnante du bidonville, son effervescence, notamment dans les scènes de marché, le rendez-vous quotidien des jeunes hommes avinés… Les tensions et rivalités ne manquent pas, le quartier est comme une cocotte minute prête à exploser.

Fourmilière bigarrée

Le feu va être mis aux poudres quand Tonya, la mère d'Insiang chasse ses locataires pour vivre avec Dato, le caïd, de 20 ans son cadet, et sa fille, qui va tomber sous sa coupe. Tout le monde se connaît dans ce milieu grouillant et bruyant des rumeurs de tous bords. La famille est bientôt vilipendée et Tonya, aveuglée par son amour pour Dato, est prête à renier sa fille. Elle est au centre de tous les enjeux ; sa candeur est sa seule faiblesse. Elle apprendra à se durcir et les autres ne perdent rien pour attendre…

"Insiang" de Lino Brocka
 (Carlotta Films)

"Insiang" s'apparentent aux grands mélodrames dont regorge le cinéma depuis ses origines. Lino Brocka excelle dans la sublimation de poncifs éculés grâce à un scénario écrit au taquet, à des acteurs formidables et à un filmage de toute beauté. Tourné en format standard 4/3 (quasi-carré), il cadre ses plans au milimètre, sans pour autant être ostentatoire, avec un équilibre qui participe à la flamboyance générale. La fourmilière du bidonville et du marché lui offrent une palette colorée riche et bigarrée. Il tire parti et compose des effets graphiques de toute beauté, grâce aux textiles imprimés, l'architecture, l'ameublement… "Insiang" est un grand film, une grande œuvre, au-delà de tout exotisme, qui atteint l'universel.

"Insiang" : affiche française 2016
 (Carlotta Films)

LA FICHE

Drame de Lino Brocka (Phillippine) - Avec : Hilda Koronal, Mona Lisa, Ruel Vernal, Rez Cortez, Marlon Ramirez - Durée : 1h37 - Sortie : 22 juin 2016
Synopsis : Insiang habite un bidonville de Manille avec sa mère, la tyrannique Tonya. Elle se démène corps et âme pour survivre dans ce quartier où chômage et alcoolisme font partie du quotidien. Un jour, Tonya ramène chez elles son nouvel amant, Dado, le caïd du quartier, en âge d’être son fils. Ce dernier tombe rapidement sous le charme de sa nouvelle "belle-fille"…

 

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