"How to Have Sex" : du désir au consentement, le récit électrique d'une jeunesse abusée
Trois amies, une station balnéaire en Crète et une fin d'année à fêter. How to Have Sex, premier long-métrage de la jeune réalisatrice britannique Molly Manning Walker, offre une plongée dans les vacances de Tara, Em et Skye. À la façon du presque traditionnel Spring break américain, les lycéennes s'envolent vers la Grèce avec le désir de faire de leur semaine méditerranéenne un séjour de toutes les expériences et de toutes les folies.
Loin de l'autorité familiale, les trois amies semblent dirigées par quelques idées fixes : boire jusqu'à l'ivresse, danser toutes les nuits et faire, autant que possible, l'amour. Cette dernière envie, placée au centre des discussions, paraît particulièrement accrue chez Tara, la principale protagoniste et la seule du groupe à n'avoir encore jamais eu de rapports sexuels. Pour honorer l'objectif, les journées de vacances deviennent des rounds de fête que le trio enchaîne en compagnie de leurs trois voisins de balcon. Si ces rencontres paraissent propices à leurs projets, elles marquent toutefois pour Tara un point de bascule au sein de ses vacances et, bien au-delà, de bascule dans sa vie.
Aux horizons absents
Alors que l'on pourrait s'attendre à la vue de somptueux paysages de Grèce, le séjour de Tara, Skye et Em ne se teinte pas de couleur locale. La mer même – et ce malgré une destination insulaire et un hôtel côtier – marque par sa rareté. Le sable, l'eau et le ciel bleu ne se donnent vraiment à voir qu'au tout début du film, avant l'obtention des clefs de leur logement, avant le premier round des soirées et l'enclenchement de la spirale nocturne.
Au terme de cette baignade qui inaugure les vacances du trio, l'horizon disparaît. Les vacances se font alors dans les boîtes de nuit, dans les appartements ou entre les barrières du balcon. Les scènes extérieures n'ouvrent pas davantage l'espace : tandis que les chambres offrent moins une vue sur la piscine que sur l'immeuble d'en face, la ville entière, saturée des couleurs fluo de l'hypertourisme et entourée de montagnes, consacre l'enfermement.
Dans cet espace clos, les jeunes filles suffoquent. Prises dans un tourbillon, une parenthèse loin de tout, la réalité par instants les rattrape. Entre résultats de diplômes et doutes sur l'avenir, des angoisses bien familières de la jeunesse pénètrent le rêve méditerranéen et heurtent à de très différentes échelles les membres du trio. La véritable détresse naît sur l'île, presque aux yeux de tous.
Récit d'un viol, l'esthétique vaut politique
Si le titre pouvait le laisser penser, How to Have Sex n'est pas un film qui donne des leçons de sexualité. Personne n'y fait d'ailleurs l'amour. Les seuls actes sexuels sont des actes non consentis. Dédiant son film à « tous ceux qui ont été agressés sexuellement », la réalisatrice ne donne pas à voir le viol. Pas de caméra voyeuse ou de regards par le trou de la serrure : l'esthétique vaut politique. L'importance est donnée, pendant et après, à l'expérience de la victime, à son traumatisme.
Dans ce premier film, Molly Manning Walker questionne le désir et le consentement. Elle questionne le rôle que les autres ont à jouer dans ces situations. Car tout en centrant l'action sur le personnage de Tara, la réalisatrice construit un entourage à la vigilance et aux intentions variées qui, entre gestes de tendresses et inquiétudes sincères, ne tend jamais vraiment la main.
La fiche
Genre : Drame
Réalisatrice : Molly Manning Walker
Acteurs : Mia McKenna-Bruce, Shaun Thomas, Lara Peake, Enva Lewis, Samuel Bottomley, Laura Ambler, Anna Antoniades, Daisy Jelley
Pays : Royaume-Uni, Grèce
Durée : 1h28
Sortie : 15 novembre 2023
Distributeur : Condor Distribution
Synopsis : Afin de célébrer la fin du lycée, Tara, Skye et Em s'offrent leurs premières vacances entre copines dans une station méditerranéenne ultra-fréquentée. Le trio compte bien enchaîner les fêtes, cuites et nuits blanches, en compagnie d'un autre groupe d'Anglais rencontré à leur arrivée. Pour la jeune Tara, ce voyage de tous les excès a la saveur électrisante des premières fois… jusqu'au vertige. Face au tourbillon de l'euphorie collective, est-elle vraiment libre d'accepter ou de refuser chaque expérience qui se présentera à elle ?
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