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"Django Unchained" : spaghetti à la Tarantino

On ne présente plus Quentin Tarantino, Palme d'or à Cannes en 1994 pour "Pulp Fiction", président du jury en 2005. Fou de cinéma de genre, on pouvait s'attendre à ce qu'il revisite le western spaghetti avec "Django Unchained"i. Son rôle-titre renvoie expressément à une célèbre franchise italienne des années 60, avec Franco Néro dans le rôle de Django, qui fait une apparition hommage dans le film.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Jammie Foxx et Leonardo DiCaprio dans "Django Unchained" de Quentin Tarantino
 (Sony Pictures Releasing France)

De Quentin Tarantino (Etats-Unis), avec : Jamie Foxx, Leonardo DiCaprio, Christoph Waltz, Kerry Washington, Samuel J. Jackson, Don Johnson - 2h44 - Sortie : 16 janvier

Synopsis Dans le sud des États-Unis, deux ans avant la guerre de Sécession, le Dr King Schultz, un chasseur de primes allemand, fait l’acquisition de Django, un esclave qui peut l’aider à traquer les frères Brittle, les meurtriers qu’il recherche. Schultz promet à Django de lui rendre sa liberté lorsqu’il aura capturé les Brittle – morts ou vifs. Alors que les deux hommes pistent les dangereux criminels, Django n’oublie pas que son seul but est de retrouver Broomhilda, sa femme, dont il fut séparé à cause du commerce des esclaves…

Dialectique « tarantinesque »
Comme dans « Unglorious Basterds » où il réécrivait l’histoire de la seconde guerre mondiale par le cinéma, Quentin Tarantino réécrit une partie de l’histoire de l’esclavagisme aux Etats-Unis avec « Django Unchained ». Dans le premier, il zigouillait tout le haut staff nazi, dans le second il extermine une famille esclavagiste texane et son armée rapprochée, des mains d’un ancien esclave. Nous sommes deux ans avant la guerre civile américaine, au Texas, futur Etat sécessionniste, le héros est noir, le discours radical, tout comme la mise en scène : Tarantino s’en donne à cœur joie !

Pour ce faire, le réalisateur de « Kill Bill » revisite les codes du western spaghetti : pas d’Indiens, cow-boy taciturne, rebelle et vengeur ; action déferlante après longues pauses d’attente (ici nourris de dialogues comme les aime Tarantino) ; hémoglobine à gogo, même si cette dernière a été introduite au cinéma par l’Américain Sam Peckimpah. Les citations fusent : la musique, la référence au « Grand silence » (1968) de Sergio Corbucci, présence dans un petit rôle de Franco Nero, acteur du premier Django à l’écran (1966, Sergio Corbucci)…
Morale « tarantinesque »
Fidèle à lui-même, Tarantino utilise les codes pour les exploser, entendez les sur-dimensionner, non les détruire, mais les exalter, jusqu’à la jubilation, sinon la jouissance. Evidemment, ça tue beaucoup dans « Django Unchained », et pas dans la douceur. L’hémoglobine coule à flot avec des gargouillis en dolby rigolos comme tout. L’ampleur est telle que le rire est spontané. Ces morts irréalistes, au second degré, que les Cassandres qualifieront d’irresponsables à la lecture des massacres à répétition aux Etats-unis, n’en servent pas moins un discours moral.

Moral Tarantino ? Avec ces déluges de meurtres, de sang, de tortures étalés sur grand écran ? Chez le cinéaste, le message, car il y a toujours message au-delà du spectacle, même s’il est simplissime, comme dans toute série B qu’il exulte : les méchants sont toujours punis. A l’image de la mentalité américaine, manichéiste en diable, la motivation de ses héros est toujours la vengeance (« Jackie Brown », « Kill Bill », « Unglorious Basterds »…) Tarantino n’est pas dupe. C’est pourquoi il enrobe son discours moral, d’une violence extrême, provocante, car la violence moral (le nazisme, l’esclavagisme, l’hypocrisie) tue plus que les armes. Bang, Bang ! Splash !

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