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"Dernières nouvelles du cosmos", ou la poétesse autiste

Forte d’une quinzaine de documentaires, Julie Bertuccelli va dans chacun de ses films à la rencontre des gens, comme dans "La Cour de Babel" (2014). Elle a aussi réalisé deux fictions qui ont laissé trace : "Depuis qu’Otar est parti…" (2003) et "L’Arbre" (2010). "Dernières nouvelles du Cosmos" vient aussi d’une rencontre, celle d'une étonnante autiste de 30 ans avec la tête dans les étoiles.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Hélène Nicolas alias "Barbouillec" dans "Dernières nouvelles du cosmos" de Julie Beruccelli
 (Pyramide Distribution)

Musique des sphères

Au hasard d’un spectacle, Julie Bertuccelli rencontre Hélène et sa mère. La jeune femme a 30 ans et semble en avoir 16. Elle ne parle pas, n’a jamais appris à lire ni à écrire, mais a publié plusieurs recueils de poèmes. Autiste, mais attentive à tout ce qui se passe autour d’elle, communicative dans ses regards et ses rires, elle a choisi comme nom de plume Babouillec. De quoi intriguer la cinéaste qui décide de rester auprès d’elle, la filmer, sans aucune équipe de tournage, seulement sa mère à ses côtés, et la troupe de théâtre de Pierre Meunier qui veut adapter le dernier texte de Babouillec, "Algorithme Eponyme".

L’expérience durera deux ans. Hélène/Barbouillec communique avec un ensemble de petites lettres en plastique, comme un scrabble, qu’elle aligne au gré de ses pensées. Car visiblement, pensée il y a. Iconoclaste, pleine d’humour et surtout d’une poésie dont l’équivalent plastique serait la musique des sphères que recherchait Kandinsky dans sa peinture. On ne la comprend pas forcément, mais elle dégage une beauté sans équivalent dans l’ordonnance des mots, leur choix, leur rythme, comme autant de lignes et points sur plan pour créer des couleurs qui n’existent pas.

Poésie brut

Mais comment Hélène a-t-elle accès à une telle acuité, un tel vocabulaire, à cette créativité sidérante ? Barbouillec a des antennes comme autant de radars qui captent des énergies cosmiques qu’elle traduit en mots. "eN libre racoNteuse D’histoire - le cosmos Nourrit mes voyages", écrit-elle dans le film. Comme il y a un art plastique dit "brut", Babouillec est la porte-parole d’une poésie "brut". Ses textes sont en quête d’elle-même, du monde qui l’entoure, et de leur intéraction. Elle se définit comme une "télépathe". Elle a tout d’une charade contenue dans une devinette.

Hélène Nicolas et sa mère dans "Dernières nouvelles du cosmos" de Julie Bertuccelli
 (Pyramide Distribution)

Julie Bertuccelli ne réalise pas un film sur l’autisme, ou sur une autiste. Elle filme au jour le jour la créativité qui jaillit de chaque échange avec Babouillec. Sans éluder ses régressions, quand s’esquissent des crises rapidement réfrénées tout en douceur par sa mère. Les extraits du spectacle "Algorithme Eponyme" sont moins convaincants, évoquant quelque performance vieillotte, néanmoins ludique. Bourrée d’énergie, Babouillec la distribue à tout va, comme autant de comètes, étoiles filantes et météores issus d’un soleil flamboyant.

"Dernières nouvelles du cosmos" : l'affiche
 (Pyramide Distribution)

LA FICHE

Documentaire de Julie Bertuccelli (France) - Avec Hélène Nicolas dite "Barbouiller Sp" - Durée : 1h25 - Sortie : 9 novembre 2016

Synopsis : A bientôt 30 ans, Hélène a toujours l’air d’une adolescente. Elle est l'auteure de textes puissants à l’humour corrosif. Elle fait partie, comme elle le dit elle-même, d’un "lot mal calibré, ne rentrant nulle part". Visionnaire, sa poésie télépathe nous parle de son monde et du nôtre. Elle accompagne un metteur en scène qui adapte son œuvre au théâtre, elle dialogue avec un mathématicien... Pourtant Hélène ne peut pas parler ni tenir un stylo, elle n’a jamais appris à lire ni à écrire. C’est à ses 20 ans que sa mère découvre qu'elle peut communiquer en agençant des lettres plastifiées sur une feuille de papier. Un des nombreux mystères de celle qui se surnomme Babouillec…

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