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Dans "Le Temps des aveux", Régis Wargnier revisite la guerre du Cambodge

Après "Indochine" (1992), Régis Wargnier revient en Asie du Sud-Est en évoquant la guerre du Cambodge (1967-1975), dans "Le Temps des aveux". Situé en 1971, le film adapte le livre de François Bizot, "Le Portail" où cet anthropologue restitue son incarcération par les troupes khmères rouges, et les rapports ambigus que son geôlier va entretenir avec lui.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Raphaël Personnaz et Kompheak Phoeung dans "Le Temps des aveux" de Régis Wargnier
 (Les Films du Cap / Gaumont - photo Rafael Winer)
La note Culturebox
3 / 5                  ★★★☆☆

De Régis Wargnier (France/Belgique/Cambodge), avec : Raphaël Personnaz, Kompheak Phoeung, Olivier Gourmet, Thanet Thorn - 1h35 - Sortie : 17 décembre 2014

Synopsis : Cambodge, 1971.Alors qu’il travaille à la restauration des temples d’Angkor, François Bizot, ethnologue français, est capturé par les Khmers rouges. Détenu dans un camp perdu dans la jungle, Bizot est accusé d’être un espion de la CIA. Sa seule chance de salut, convaincre Douch, le jeune chef du camp, de son innocence. Tandis que le Français découvre la réalité de l'embrigadement des Khmers rouges, se construit entre le prisonnier et son geôlier un lien indéfinissable…

Sauvé par un tortionnaire
Inspiré d’une histoire vraie, racontée par celui l’a vécue, "Le Temps des aveux" est comme le récit d’un syndrome de Stockholm à l’envers. Ici, ce n’est plus le prisonnier qui s’identifie à son geôlier, mais ce dernier à son détenu. Accusé d’espionnage, François Bizot (Raphael Personnaz) nie tout en bloc, étant chercheur, passionné de culture khmère, de bouddhisme, et parlant la langue. Le chef du camp de prisonniers, Douch (Kompheak Phoeung), au fil des interrogatoires, parfois musclées, subodore que quelque chose cloche dans ces accusations et va tenter de sortir l’anthropologue de ce mauvais pas.

Douch n’est pas pour autant pas un ange. Il torture et tue les autres prisonniers, y compris les assistants de Bizot. Ce dernier le dit d’emblée, il devra la vie à un tortionnaire et assassin de guerre. Son geôlier deviendra d’ailleurs par la suite le directeur  de la terrible prison S21 de Phnom Penh et sera condamné à la prison à perpétuité pour meurtre, torture, viol et crimes contre l'humanité en 2012. Le cinéaste d'origine cambodgienne Rithy Pahn a traité le sujet et est coproducteur du film : une caution. L’étonnant est que son interprète dans le film de Wargnier, Kompheak Phoeung, fut le traducteur de Douch lors de son procès pour les Français présents, sans que le sache le réalisateur avant de le choisir pour le rôle. Il y a parfois des synchronicités qui ne trompent pas sur les vertus de l’instinct…

Olivier Gourmet dans "Le Temps des aveux" de Régis Wargnier
 (Les Films du Cap / Gaumont - photo Rafael Winer)

Romanesque et Histoire
Régis Wargnier n’est pas un révolutionnaire de la facture cinématographique ou de la mise en scène. Sa forme est résolument classique et suit toujours une chronologie linéaire, au service de récits souvent romanesques et inscrits dans l’Histoire ; la seconde guerre mondiale et le colonialisme. "Le Temps des aveux" ne déroge pas à ces choix, sauf par le conflit évoqué, mais il s’agit toujours d’un moment où l’Histoire croise un destin particulier. Seule exigence du cinéaste : le réalisme. Pour cela, il a tourné au Cambodge, en pleine jungle, dans des conditions spartiates, mettant à contribution des Khmers du cru pour interpréter les rôles de militaires et les bonzes, mais aussi participer à la reconstitution du camp, pour être au plus proche des contraintes et styles locaux.

L’interprétation de Kompheak Phoeung, à l’origine à la tête d’une troupe de théâtre et défendeur de la culture khmère, est particulièrement remarquable. D’autant qu’il accepta le rôle en marchant sur des œufs, en raison de sa teneur négative, ses contemporains ayant une forte tendance à identifier l’acteur au personnage qu’il incarne. Raphaël Personnaz ne démérite pas non-plus dans une performance très physique. Olivier Gourmet est comme d’habitude excellent dans le rôle du consul de France à Phnom Penn. Le film vaut donc pour ces acteurs et son sujet, la mise en scène restant dans un pré carré bien cadré, classique, hormis celui de sa reconstitution. Ce qui n’empêche pas de se laisser prendre par ce destin d’exception, dans la rencontre de deux personnalités complexes au cœur d‘un contexte conflictuel et politique aigüe, Régis Wargnier n’étant pas le dernier à savoir raconter des histoires.

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