"Conjuring:Les dossiers Warren" : le réalisateur de "Saw" et "Insidious" revient
De James Wan (Etats-Unis), avec : Vera Farmiga, Patrick Wilson, Ron Livingston, Lili Taylor - 1h50 - Sortie : 21 août 2013
Interdit aux moins de 12 ans
Synopsis : Avant Amityville, il y avait Harrisville… "Conjuring : Les dossiers Warren", retrace l'histoire horrible, mais vraie, d'Ed et Lorraine Warren, enquêteurs paranormaux réputés dans le monde entier, venus en aide à une famille terrorisée par une présence inquiétante dans leur ferme isolée des Etats-Unis. Contraints d'affronter une créature démoniaque d'une force redoutable, les Warren se retrouvent face à l'affaire la plus terrifiante de leur carrière…
Anthologie
"D’après une histoire vraie" surine la campagne autour du film, en se référant à "Amytiville", autre récit de hantise vendu sous ce label. Le slogan marche toujours aussi bien, surtout quand il s’agit de faits divers surnaturels. Sans mettre en doute les enquêtes et les résolutions d'énigmes auxquelles a participé le couple Warren dans les années 60-70, la sortie de « Conjuring » (litt : "pratiquer la sorcellerie") sous le label « Histoire vraie » repose sur un effet de réel vieux comme le monde pour mieux nous faire avaler des couleuvres. Le récit de Lucien de Samosate racontant, entre-autres, le premier conflit interstellaire ne s’appelait-il pas déjà au IIe siècle "Histoire vraie", ou "Histoire véritable" ?
Rien de mal là-dedans, si ce n’est l’exploitation d’une crédulité avide d’appeler le surnaturel à la rescousse pour relativiser une réalité trop prosaïque, trop pesante. Hormis le procédé, le film de James Wan fait montre de son talent en matière de fantastique. Histoire de hantise, « Conjuring » s’apparente à un best of des meilleurs films du genre, comme une anthologie. Wang ne joue pas uniquement des effets de surprise, mais instaure de véritables ambiances en jouant beaucoup de la bande son, comme dans le mètre étalon du genre "La Maison du Diable" (1960, Robert Wise). Les apparitions fugaces renvoient aux "Innocents" (1961, Jack Clayton), les intéractions et enregistrements avec des appareils audiovisuels à "Poltergeist" (1982, Tobe Hopper) et les silhouettes menaçantes à "The Grudge" ( 2004, Takashi Shimizu), ou "The Ring" (1997, Hideo Nakata)...
Quid Veritas ?
Toutes ces références ne vont pas à l’encontre du film. C’est comme si James Wan nous en offrait un condensé, au-delà de l’exercice cinéphilique, puisqu’il concocte un exercice parfaitement maîtrisé et efficace. Il s'en amuse même en faisant intervenir une boîte à musique avec une spirale tournante, toute droite sortie de son film "Saw". Les asiatiques nous ont démontré depuis des lustres qu’ils savaient nous raconter des histoires de fantômes comme personne (voir le magnifique "Kwaidan", 1964, de Masaki Kobayashi). Plutôt que s’appesantir sur la reconnaissance ou non des travaux du couple Warren en matière de paranormal, la mise en scène de Wan vaut par elle seule pour nous raconter une histoire de fantôme qui se suffit à elle-même.
Toutefois, cet effet de réel sur lequel repose une bonne partie du film interroge. "Amityville, la maison du diable" (1979, Stuart Rosenberg) avec ses nombreuses séquelles et son remake, reposait sur le récit, best-seller, des victimes de ce cas de hantise célèbre, sur lequel enquêta le couple Warren. Depuis, l'histoire s’est avérée totalement inventée et un leure fort lucratif pour ses auteurs. Dans "Conjuring", le cas est résolu en démasquant à l’origine de la hantise une des fameuses sorcières de Salem du XVIIe siècle, alors que moult études ont démontré depuis que toute l’affaire a été montée par des fermiers se disputant des terres et qui, pour les acquérir, ont accusé des concurrents de sorcellerie, la rumeur faisant le reste en déclenchant une hystérie collective dans la communauté sous forme de dénonciations vindicatives. Lovecraft connaissait bien l'histoire, en lui faisant référence dans ses nombreuses nouvelles fantastiques, pour en décupler l'effet de réel.
Il n’est pas question de faire procès à James Wan sur ce point, alors qu’il mène fort bien son récit, ni d’en faire un autre aux Warren, sans doute de bonne foi, ni de mettre en doute leurs observations, ni les préjudices subis par les victimes. Comme disait John Ford "Entre la vérité et la légende, je choisis la légende". Mais ce n’est pas au cinéma de fiction de trier le bon grain de l’ivraie et de se réclamer de l’avoir fait. Comme le disait la série "X. Files" : la vérité est ailleurs.
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