"Colonia", la répression de Pinochet au Chili version mélodramatique
Mélo politique
Coproduction européenne (Allemagne/Luxembourg/France), "Colonia" a tout d'une facture hollywoodienne. Dans la technicité d'une image peaufinée qui en montre sans trop en faire, des acteurs qui font le job, et une tonalité mélodramatique, mettant en péril un jeune couple pris sous la férule du coup d'Etat d'Augusto Pinochet. Daniel (Daniel Brühl) est arrêté au lendemain du putsch comme activiste socialiste, torturé et détenu à la "Colonia Dignidad", sanctuaire d'une secte, paravent d'une prison politique de haute sécurité. Sa compagne Lena (Emma Watson) s'y rend prétendant une quête mystique, afin de l'aider à s'évader.Le mélange mélo-politique est un exercice des plus acrobatiques. Florian Gallenberger ne s'y prend pas plus mal qu'un autre, mais sans faire plus d'étincelles, comme s'il se fondait parfaitement dans le moule. Il colle toutefois à son sujet de fond dans une mise en scène qui n'en rajoute pas dans le lyrisme et en soignant les ambiances oppressantes du camp de concentration. Elles ne sont pas sans rappeler celles de "1984" de George Orwell et de son adaptation au cinéma de Michael Radford. Tout est gris : les costumes, les murs, la terre, alors que la "colonie" à tout d'un camp nazi, des palissades à l'urbanisme des baraquements. Autre bonne idée, celle d'égrainer les jours sur les plans du camp, comme pour mieux enfermer le temps dans l'espace.
Main Stream
Le personnage du gourou prédicateur Paul Schafer est parfaitement interprété par un inquiétant Michael Nyqvist ("Millénium") ; Daniel Brühl ("La Comtesse", "Captain America – Civil War", "John Rabe", du même Florian Gallenberger) passe allègrement du rôle du Daniel photographe et activiste, au simplet qu'il feint être dans le camp. Emma Watson est sa place, sans plus en faire. Richenda Carey incarne quant à elle une implacable chef de camp féroce et manipulatrice, celle que l'on aime haïr.
"Colonia" parvient à ses fins, en traduisant toute l'horreur de la répression chilienne des années 70 sous Pinochet, par le prisme d'une aventure humaine doublée d'une histoire d'amour. Le procédé pourrait être limite s'il n'était inspiré de faits réels. Toutefois l'identification de Paul Schafer (Nyqvist) à un ancien nazi pourrait être plus explicitée, ce qui ferait tâche d'huile sur tout le régime de Pinochet, protecteur de nombre de cadres national-socialistes d'après-guerre. Tout comme sa pédophilie pourrait être plus évidente. Sans tomber dans le démonstratif, "Colonia" n'y aurait pas perdu, en se faisant plus dérangeant, moins "main stream" et consensuel, ce à quoi il aboutit.
Reportage P. Forgue / L. Stern / A. Locascio / N. Aibar
LA FICHE
Drame de Florian Gallenberger (Allemagne/Luxembourg/France) - Avec : Emma Watson, Daniel Brühl, Michael Nyqvist, Richenda Carey, Vicky Krieps - Durée : 1h50 - Sortie : 20 juillet 2016
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Synopsis : Chili, 1973. Le Général Pinochet s'empare du pouvoir par la force. Les opposants au coup d'Etat descendent dans la rue. Parmi les manifestants, un jeune couple, Daniel photographe et son ami Lena. Daniel est arrêté par la nouvelle police politique. Il est conduit dans un camp secret, caché dans un lieu reculé au sein d'une secte dirigée par un ancien nazi. Une prison dont personne n'est jamais sorti. Pour retrouver son amant, Lena va pourtant rentrer dans la Colonia Dignidad.
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