"Cloud Atlas" : les Wachowski voyagent dans le temps
De Lana Wachowski, Andy Wachowski, et Tom Tykwer (Etats-Unis), avec : Tom Hanks, Halle Berry, Jim Broadbent, Hugo Weaving, Jim Sturgess, Doona Bae - 2h45 - Sortie : 13 février
Synopsis : Sur cinq siècles, dans plusieurs espaces temps, des êtres se croisent et se retrouvent d’une vie à l’autre, naissant et renaissant successivement. Tandis que leurs décisions ont des conséquences sur leur parcours, dans le passé, le présent et l’avenir, un tueur devient un héros et un seul acte de générosité suffit à entraîner des répercussions pendant plusieurs siècles et à provoquer une révolution. Tout est lié.
En mal d’inspiration depuis « Matrix », avec notamment un catastrophique « Speed Racer », les Wachowski (on ne peut plus dire les frères Wachowski, vu que l’un d’eux a changé de sexe), renouent avec un scénario labyrinthique, teinté de science-fiction apocalyptique. La continuité avec « Matrix » est bien présente, allant même par certains aspects jusqu’à évoquer, en toute relativité, ce qui pourrait être un prélude à leur film phare. Très beau, le sujet de « Cloud Atlas » met en perspective quatre personnages qui, sur cinq siècles, vont tendre vers un même destin.
On peut compter sur les Wachowski pour brouiller les pistes et nous perdre dans les méandres d’un scénario tortueux, comme le faisait déjà « Matrix ». Mais c’est plus à « Inception » que « Cloud Atlas » renvoie. Comme s’ils voulaient, avec Tom Tykwer, surfer sur le film de Christopher Nolan. Là ou ce dernier imbriquait les rêves dans les rêves comme des poupées russes, le trio de « Cloud Atlas » imbrique les époques les unes dans les autres, par les réincarnations successives des personnages, bien entendu inconscients de cet état de fait. Ces quatre vies successivement régénérées sur cinq siècles, sont en constance suivies, poursuivies, par un tueur qui, finalement va se révéler l’agent fomentateur de leur destinée commune. New Age vintage
Dans « Inception », Nolan parvenait à maintenir un continuum parfait entre ses cinq niveaux de réalité, avec une élégance d’écriture équivalente à celle de sa mise en scène, dont le paradigme est un réalisme à couper le souffle et glacé. « Cloud Atlas » ne cesse de passer d’une époque à une autre, pour brouiller les cartes. Mais progressivement, les événements décrits dans chaque case se rapprochent, se croisent, comme par synchronicité, pour ouvrir au sens profond du film, répété à plusieurs reprises : les actes de chacun conditionnent l’avenir de tous. Alléluia ! Un parfum de New Age vintage embrume le film.
« Cloud Atlas » ne manque pas de beauté et de fulgurances, mais alterne ces moments de grâce, avec des plages moins heureuses qui, par moment frisent le ridicule. Ainsi, Tom Hanks semble se demander parfois ce qu’il fait là, surtout quand dans une de ses incarnations il revêt un oripeau qui n’est pas sans rappeler le gilet-serpillière du « Père-Noël est une ordure »… Hall Berry dans son rôle d’ethnologue survivante d’un monde rayé de la carte n’est pas loin d’être dans le même cas. La cité futuriste « New Seoul », tout en images virtuelles, habitée de personnages ultra lissés, semble tout droit sortie de « Final Fantasy »… Soleil vert
Un thème majeur du film recoupe une des préoccupations majeures déjà apparues dans la filmographie des Wachowski, celui de la révolution. Omniprésent dans « Matrix », il l’était aussi dans « V. pour Vendetta » qu’ils ont produit. Sa présence dans « Cloud Atlas » est intimement liée à la révélation finale qui donnait tout son sens à « Soleil vert » (1973) de Richard Fleisher. Un clin d’œil lui est fait au milieu du film. Mais ce qui est à ce stade plaisant, le devient moins quand il s’avère un élément clé de la résolution de « Cloud Atlas », l’entachant d’une redite, pour couper les ailes à une entreprise jusqu’alors portée par une originalité certaine, malgré des sources détectables. « Cloud Atlas » n’en demeure pas moins porté par un souffle épique indéniable, mais déséquilibré par des moments d’emphase parasitaires et des choix esthétiques parfois discutables, voire dignes d’une production de seconde zone. Ce qui fait de cette "Cartographie des nuages", un cocktail instable et brumeux, sinon fumeux.
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