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"Cézanne et moi", enfance de l'art, amitié et rancunes

"Cézanne et moi" : Cézanne et qui ? Cézanne et Zola ? Avant tout, Cézanne, Zola et Danièle Thompson, réalisatrice, scénariste et dialoguiste d’un film ambitieux sur l’amitié mouvementée entre Paul Cézanne (Guillaume Gallienne) et Emile Zola (Guillaume Cannet). Deux monstres sacrés de la peinture et de la littérature, interprétés par des acteurs majeurs pour un film finalement convenu.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Guillaume Gallienne et Guillaume Cannet dans "Cézanne et moi" de Danièle Thompson
 (Luc Roux)

Fusion et paradoxe

Il existe une correspondance certaine entre Cézanne et Zola dans leur quête d’un art nouveau, plastique pour le premier, littéraire pour le second. Leur art entretient des points communs dans la facture, abstractive, tellurique, des toiles du peintre, qui aboutiront au cubisme, et dans des sujets sociaux, parfois qualifiés de triviaux, fondateurs du naturalisme pour le romancier. Pourtant, tout les oppose. Cézanne est né avec une petite cuillère en argent dans la bouche, Zola est fils d’immigrés italiens démunis. Le plasticien ne connaîtra jamais le succès et vivra chichement, l’écrivain sera immédiatement reconnu et deviendra un grand bourgeois. Tous deux se rejoignent dans une forte amitié précoce et pérenne, une inimitié qui ira au clash, et une reconnaissance internationale ; posthume pour Cézanne, contemporaine pour Zola.

Ce mélange fusionnel et paradoxal traduit les passions du temps, la fin du XIXe siècle, où la Révolution industrielle rencontre des aspirations artistiques absolutistes chez Courbet, Van-Gogh ou Cézanne ; chez Rimbaud, Flaubert ou Zola, pour n’en citer que quelques-uns. Cet ouragan créatif, doublé de sentiments affectifs puissants entre le peintre et l’écrivain manque cruellement au film de Danièle Thompson. La cinéaste soigne sa reconstitution, mais tombe dans l’apprêté ; elle traite l’histoire commune et singulière des deux artistes, mais ne fait que la visualiser. Elle cisèle de beaux dialogues, mais ne parvient qu’à les faire dire et non vivre par ses acteurs. Puisqu’il s’agit d’artistes, Pialat traduisait la folie créatrice de Van-Gogh, ou Gilles Bourdos l’enthousiasme sans âge de Renoir, et Diane Kury la sensibilité maladive de Sagan.

"Cézanne et moi" de Danièle Thompson
 (Luc Roux)

Didactisme

Dans son titre, Danièle Thompson informe que son récit sera transmis du point de vue de Zola, même si c’est sans le nommer. Ce n’est pourtant pas si évident à la vision de "Cézanne et moi". Les deux ne cessent d’émettre des avis sur l’un et sur l’autre, ou à leur propre égard. Comme quand Cézanne dit "J’aimerais peindre la fluidité de l’air, la chaleur du soleil et la violence des rochers" ; plus loin, parlant à Zola : Quand on te lit, on entend la foule, touche la peau de Nana, sent le charbon". Zola estimera, lui, que "Cézanne est un grand peintre, mais pas un génie". Aussi, la vision de l’un sur l’autre se trouve-t-elle à égalité, aucune ne prenant le pas sur l’autre.

Danièle Thompson ne cherche pas à réaliser un film sur l’art, mais sur les rapports humains qui motivent deux êtres d’exception, l’un envers l’autre. De ce point de vue, la cinéaste parvient à ses fins dans une optique didactique. Celle de porter à la connaissance de tous une amitié peu connue entre deux géants, et à évoquer le foisonnement artistique de l’époque. Elle met également bien en lumière combien cette amitié profonde est mise à l’épreuve de la notoriété, de l’argent et des femmes, donc à celle de l’ego. Mais l’ensemble reste en surface, comme si les sentiments ne perçaient pas le glacis.
"Cézanne et moi" : l'affiche
 (Pathé DIstribution)

LA FICHE, 

Drame de danièle Thompson (France) - Avec :  Guillaume Gallienne, Guillaume Canet, Alice Pol, Déborah François,  Emilie Zola, Sabine Azéma, Gérard Meylan, Laurent Stocker - Durée : 1h54 - Sortie: 21 septembre 2016

Synopsis : Ils s’aimaient comme on aime à treize ans : révoltes, curiosité, espoirs, doutes, filles, rêves de gloires, ils partageaient tout. Paul est riche. Emile est pauvre. Ils quittent Aix, "montent" à Paris, pénètrent dans l’intimité de ceux de Montmartre et des Batignolles. Tous hantent les mêmes lieux, couchent avec les mêmes femmes, crachent sur les bourgeois qui le leur rendent bien, se baignent nus, crèvent de faim puis mangent trop, boivent de l’absinthe, dessinent le jour des modèles qu’ils caressent la nuit, font trente heures de train pour un coucher de soleil... Aujourd’hui Paul est peintre. Emile est écrivain. La gloire est passée sans regarder Paul. Emile, lui, a tout : la renommée, l’argent une femme parfaite que Paul a aimée avant lui. Ils se jugent, s’admirent, s’affrontent. Ils se perdent, se retrouvent, comme un couple qui n’arrive pas à cesser de s’aimer.

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