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"C’est eux les chiens" : une course folle dans Casablanca

En plein printemps arabe, un homme sort des prisons marocaines après 30 ans de détention. Son errance dans Casablanca est suivie par une équipe de télévision. Un film radical et attachant.
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Hassan Badida dans "C'est eux les Chiens" d’Hicham Lasri 
 (Nour Films)

Comédie dramatique marocaine d’Hicham Lasri – avec Hassan Badida, Yahya El Fouandi, Imad Fijjaj et Jalal Boulftaim. Durée : 1h25 – Sortie : 5 février 2014

Synopsis : Majhoul, emprisonné en 1981 pendant les émeutes du pain au Maroc, ressort 30 ans plus tard, en plein printemps arabe. Une équipe de télévision publique, qui réalise un reportage sur les mouvements sociaux au Maroc, décide de le suivre dans la recherche de son passé...

"Un road movie punk au cœur du printemps arabe" titre le dossier de presse du film… C’est vrai que l’approche d’Hicham Lasri est aussi radicale que subversive. Son parti-pris de réalisation donne le ton : toutes les images de ce film sont celles de l’équipe de reportage qui s’est accrochée aux basques de ce mystérieux 404, rencontré lors d’une manifestation : rien ne nous est épargné, séquences floues, image saccadées ou à l’envers, problèmes de son…

Un film en mode « rushes » qui aurait pu devenir rapidement insupportable… Et c’est tout l’inverse qui se produit. A caméra embarquée, spectateur embarqué lui aussi, tout se tient, rien n’est gratuit ou exagéré. Avec l’équipe de télévision – qui bascule doucement du cynisme vers la compassion – nous nous demandons qui est cet homme qui a oublié jusqu’à nom. 404, l’appelait-on en prison. 404, comme l’erreur système de l’ordinateur. Perdu, il ne reconnaît plus sa ville, ses amis meurent et qui sa femme et ses enfants sont introuvables…
  (Nour Films)
Hassan Badida compose 404, personnage magnifique, égaré dans une autre époque, bouleversant, perdu, splendide aussi lorsqu’il entame une danse, comme possédé. Ivre, enragé ou serein, il ne lâche pas la petite roue stabilisatrice qu’il a promise à son petit garçon trente ans plus tôt, avant d’être embarqué et jeté dans les geôles de l’oubli, en 1981.
  (Nour Films)
Sur la route, l’autoradio répète en boucle des messages lénifiants sur les réformes de la monarchie constitutionnelle, tandis que la caméra traîne dans les no-man's land de Casablanca, y rencontrant d’invraisemblables personnages. "Dans ce pays, hurle une jeune femme, la moitié sont des poulets, les autres des barbus !".

"Arrête avec ta pudeur, on est en train de tourner" crie le journaliste au cadreur tenté d’appuyer sur "off" alors que sa caméra est braquée sur 404 en train de se recueillir... sur sa propre tombe ! Plongée tendue dans une société qui change, mais qui maintient soigneusement à l’écart ses indigents et les empêcheurs de tourner en rond, ce film est une claque.

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