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"Celui qu'on attendait" : Patrick Chesnais homme providentiel en Arménie

Réalisateur d’un drame ("Le Scandale Paradjanov"), de deux documentaires, et d'une kyrielle de courts-métrages, Serge Avédikian s’attaque à la comédie, avec "Celui qu'on attendait". On peut compter sur lui pour y mettre du sens, avec une approche aigue de documentariste, pour filmer son Arménie natale. Il a avec Patrick Chesnais, comme toujours inspiré, un atout majeur dans sa poche.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Patrick Chesnais dans "Celui qu'on attendait" de Serge Avédikian
 (Arthur Arzoyan - Moby Dick Films)

Le fils prodique

Pas question pour cet amoureux du réel de tourner ailleurs qu’en Arménie les déboires d’un acteur français perdu dans ce pays du Caucase, alors qu’il a franchi sans le savoir la frontière azerbaïdjanaise. Serge Avédikian pousse le vice jusqu’à tourner dans un village frontalier, alors que l’Arménie est toujours en guerre avec l’Azerbaïdjan pour la province du Haut-Karabagh. L’on entend d’ailleurs par moments des rafales de mitraillettes dans le lointain.
Le cinéaste tire une vérité palpable de ce pays englué dans un conflit interminable, qui vient ternir la magnifique beauté de ses paysages et la convivialité d’une population ouverte sur le monde - notamment sa jeunesse - contrainte à une vie frustre par son isolation. L’urbain Bozec (Patrick Chesnais) se retrouve sur la planète Mars au contact d’une population rurale, sous le joug d’un mafieux. Le comédien est attendu comme le messie. Occidental, les habitants lui démontrent que son père est originaire du village, exilé à Grenoble, où Bozec est né, photos à l’appui. Mais Tzarkamouch, la traductrice des forces de l’ordre (très charmeuse Arsinée Khanjian), lui apprendra, qu’il est un "mythe". Que des Améniens contraints à l’exil, suite au génocide de 1915, devenus Français, sont attendus dans chaque village arménien, comme des fils prodigues.

A l’Ouest du nouveau ?

Pris d’abord pour un espion, Bozec est rapidement réhabilité, car reconnu par un des habitants ayant constitué un dossier sur son père. Le comédien va se laisser entraîner par cet enthousiasme général. Les villageois vont profiter de la manne qu’il incarne pour rétablir l’électricité, rénover l’école, les maisons… Obsédé par son retour en France, Bozec va tomber sous le charme de cette reconnaissance, touché par la vétusté des conditions de vie, et va s’investir totalement dans sa mission. La présence de Tzarkamouch n’y est pas non plus pour rien.
Patrick Chesnais et Arsinée Khanjian dans "Celui qu'on attendait" de Serge Avédikian
 (Arthur Arzoyan - Moby Dick Films)
Serge Avédikian filme une aventure caucasienne cocasse. La déconnection entre l’Occidental urbain et les Asiatiques ruraux est source de gags de situation savoureux sans être triviaux. Une légèreté qui sert un propos plus profond. Celui de l’image de l’Ouest, vu comme providentiel dans le tiers monde et qui pourrait résoudre ses maux. Une illusion sans doute, qu’Avédikian idéalise un peu trop dans son personnage philanthrope. Aussi, à la fin du film, celui que les villageois surnommaient "celui qui va payer" devient "celui qu’on attendait". Un "feel good movie", selon la formule consacrée, optimiste, drôle et touchant.
L'affiche de "Celui qu'on attendait"
 (DR)
La fiche film
Comédie dramatique de Serge Avédikian (France-Arménie) - Avec : Patrick Chesnais, Arsinée Khanjian, Robert Harutyunyan - Durée : 1h30 - Sortie : 8 juin 2016
Synopsis : Jean-Paul Bolzec était parti jouer son spectacle pour une société française installée en Azerbaïdjan. Sur le chemin du retour vers l’aéroport, le taxi tombe en panne. Bolzec est abandonné sur une route désertique, au milieu de nulle part. Sans s’en rendre compte, il franchit à pied la frontière avec l’Arménie, en guerre larvée avec son voisin l’Azerbaïdjan depuis des années. Clandestin dans un pays qu’il ne connaît pas, dont il ne parle pas la langue et ne lit pas l’alphabet, il comprend assez vite qu’on le prend pour un autre, car il est fêté comme le messie…

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