"Cartel": Ridley Scott signe un polar métaphysique au casting d'enfer, mais vain
De Ridley Scott (Etats-Unis/Grande-Bretagne/Espagne), avec : Michael Fassbender, Penélope Cruz, Cameron Diaz, Javier Bardem, Brad Pitt - 1h51 - Sortie : 13 novembre 2013
Synopsis : La descente aux enfers d’un avocat pénal, attiré par l’excitation, le danger et l’argent facile du trafic de drogues à la frontière américano-mexicaine. Il découvre qu’une décision trop vite prise peut le faire plonger dans une spirale infernale, aux conséquences fatales.
Cuisine
Scott nous avait déjà bien trituré les méninges avec « Prometheus ». Fable de SF très spectaculaire sur un scénario très alambiqué, sophistiqué au possible, il nous « expliquait » au finish les origines de son fameux monstre extraterrestre au crâne oblong. Si Ridley Scott a toujours été un maître de la sophistication de l’image, il veut désormais l’être dans la teneur de ses scénarios. Le problème, c’est que l’on a de plus en plus de mal à le suivre, au regard d’un discours ampoulé, toutefois toujours mis en images sous une forme des plus flatteuses.
Pour « Cartel », il a fait appel à Cormac McCarthy, le scénariste de « No Country for Old Men » des frères Coen. C’est dire si Scott veut du lourd. Et pour souligner le tout, il aligne parmi les acteurs les plus cotés du moment. Mais cela relève plus de la recette, avec intitulé gastronomique sur la carte, et finalement un plat réchauffé dans l'assiette. Aussi sommes-nous plus du côté d'un « Savages » à l'Oliver Stone - bien plus sincère et viscérale -, que d'un « Faucon maltais » à la Huston.
Formaliste
On peut toutefois compter sur Scott pour nous offrir plus d’un morceau de bravoure, avec quelques surprises à la clé. Ses images glacées et ses actrices glamour à tomber, font mouche, tout comme quelques plans de pure violence. Toutefois son point de départ - un riche avocat en mal de sensations se lançant dans le trafic de drogue – renvoie explicitement à « L’Affaire Thomas Crown », où un Steve McQueen Milliardaire désabusé montait un casse pour se faire hérisser les poils sur les bras. Une photo de l’acteur apparaît d’ailleurs dans « Cartel », ainsi que la moto de « La Grande évasion ».
Tout ce montage semble assez vain, plus ludique que sincère. D’autant qu’il suit une narration décousu, dont on perd le fil, pour être rattrapé de justesse, comme si Scott mettait le spectateur au défi de suivre l’intrigue. Le défi auquel se prête son avocat (Fassbender) est plein de non-dits, porte par laquelle s’engouffre toute la métaphysique du film. Mais Ridley Scott, ne la signifie que par l'ellipse, sans en donner la teneur. Il n'en donne qu'une forme creuse, sans les enjeux.
Cinéaste talentueux s’il en est, il se confirme décidément plus comme un faiseur d’images, un formaliste, au détriment d’un raconteur d’histoire. Scott est parfois parvenu à concilier les deux (« Duellistes », « Alien », « Blade Runner », « Thelma et Louise », « Gates of Heaven », « Gladiator », « Robin des Bois »), mais il semble s’enfoncer dans une quête narcissique où même le succès public (« Prometheus ») est déconnecté du rapport entre l’image et le sens.
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