Cannes 2017 : "Les Fantômes d'Ismaël" ouvre le Festival avec un Desplechin confus
Niveaux de réalité
On peut s’étonner de ce qui pourrait être une faute de jeu. Que cela soit de la part de Mathieu Amalric, Marion Cotillard ou Charlotte Gainsbourg. Une interprétation soulignée, irréaliste, théâtrale. Cela serait oublier que Desplechin a toujours joué de cette dimension théâtrale et que celle-ci, comme fiction, a tout son rôle dans le propos des "Fantômes d’Ismaël".Réalisateur, Ismaël (Mathieu Amalric) est en crise de création sur son dernier film qui adapte la vie de son frère dans une fiction d’espionnage. C’est le premier niveau de "confusion" du film, celui de l’interpénétration entre le réel et la fiction chez un créateur. Deux niveaux de réalité qui se dédoublent dans le retour de Carlotta (Marion Cotillard), 21 ans après sa disparition et déclarée morte. Cette résurgence du passé dans le présent d’Ismaël est l’équivalent de l’interaction entre le réel et la fiction dans son film.
Le prix à payer
Carlotta ne serait-elle pas un fantôme, comme dans les films de Kiyoshi Kurosawa ? "L’autre rive" racontait déjà le retour au foyer d’un mari décédé, sous un aspect tout naturel. Le cinéma est souvent identifié à la projection, l’invocation de fantômes sur l’écran. Les images visualisent des êtres de lumière et souvent disparus. Cinéaste, Ismaël projette le fantôme de son frère dont il n’a plus de nouvelles. Le jeu non réaliste des comédiens, le sujet du film d’Ismaël sur son frère, lié à son passé, le retour de Carlotta passée pour morte, participent de sa créativité, de son imaginaire, mais perturbe sa réalité et celle de ses proches.Serait-ce le prix à payer ? La culture française voue un culte à la création dans la douleur et à l’image de l’artiste maudit. "Les Fantômes d'Ismaël" ne déroge pas à la règle. Mais il la traite avec un minimum de légèreté dans une trame romanesque où plus on avance, plus l’humour jusqu’au burlesque prend sa place. Marion Cotillard remporte la palme dans une interprétation à fleur de peau, et d’un charme absolu dans la simplicité. Tout comme Amalric qui a de beaux moments de colère dans l’expression de ses frustrations. Toutefois, le propos demeure intellectualisant, et à vouloir trop en mettre (passé/présent, fiction/réalité, réalisme/irréalisme, film dans le film…) une certaine confusion s’installe.
LA FICHE
Genre : Drame
Réalisateurs : Arnaud Desplechin
Pays : France
Acteurs : Mathieu Amalric, Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg, Louis Garrel
Durée : 1h50
Sortie : 17 mai 2017
Synopsis : Ismaël Vuillard, réalisateur, tourne dans l'île de Noirmoutier son nouveau film, sur un diplomate atypique, Ivan, inspiré de son frère. Avec Bloom, son mentor et beau-père, Ismaël pleure encore la mort de Carlotta, disparue il y a vingt ans.
Aux côtés de Sylvia, Ismaël s’est inventé une nouvelle vie, lumineuse. Mais arrive le jour où Carlotta, déclarée officiellement morte, réapparaît. Sylvia prend la fuite, et Ismaël rejette Carlotta. Sa raison vacille et il quitte le tournage pour retrouver sa maison familiale à Roubaix. Là, il s’enferme, assailli par ses fantômes. Jusqu’à ce que la vie s’impose à lui…
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