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Cannes 2016 : "Baccalauréat" de Cristian Mungiu, les renoncements d'un honnête homme

Palme d'Or à Cannes en 2007 avec "4 mois, 3 semaines, 2 jours", le Roumain Cristian Mungiu revient avec ce film qui dépeint un pays gangréné par la corruption et les petits arrangements. Son personnage principal renonce peu à peu à ses principes pour offrir à sa fille la réussite dont il rêve.
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Arian Titieni et Maria Dragu dans "Baccalauréat"
 (Mobra Films)

Ce n'est peut-être pas le film le plus puissant du grand réalisateur roumain mais il laisse, comme toujours, une forte empreinte. Deux heures durant, Mungiu nous embarque dans le sillage d'un médecin dans une petite ville de Transylvanie. Romeo est revenu en Roumanie après la chute des Ceaucescu, avec l'espoir de changer les choses. Mais il a déchanté. Les vieux dictateurs ne sont plus là, mais le pays continue à fonctionner sur un système parallèle, basé sur le renvoi d'ascenseur, les petits arrangements et les amitiés productives. Chacun le déplore, mais tout le monde s'accomode de cette république des "gens serviables", comprenez "prêts à truquer un résultat, fausser une enquête ou obtenir une greffe d'organe" en échange d'un autre service.

  (Mobra Films)

Jusqu'ici, Romeo s'est taillé une réputation d'honnête homme. Pas un incorruptible, n'exagérons rien, mais quelqu'un qui a encore des principes, des scrupules. Mais cette année, l'enjeu est de taille : Eliza, sa fille adorée, doit impérativement obtenir les notes maximales au baccalauréat pour pouvoir aller étudier à l'étranger et bénéficier d'une bourse. La promesse d'une autre vie, loin de cette cité misérable.

A la veille de l'examen, Eliza se fait agresser. Marquée physiquement et psychologiquement, elle ne semble plus en état de tenir ses objectifs. Son père va devoir laisser de côté ses principes et plonger à son tour dans le marécage. Dans un pays où tout s'achète, aucune raison que les examens n'aient pas eux aussi un prix, une valeur marchande.

Romeo Aldea incarne pour Mungiu tous nos petits et grands renoncements. Ce n'est pas un salaud, plutôt un type courageux qui essaie de protéger les siens. Pas un saint, certes, il mène une double-vie, mais tente, tant bien que mal, d'épargner la douleur à ses patients comme à ses proches. Arrivé à la cinquantaine, le voilà qui rejoint le camp des corrompus. Un chemin sans retour, car il y a toujours une addition au bout du trajet.

Le cinéma très réaliste de Mungiu a parfois la couleur des comédies italiennes d'autrefois, cette façon pince sans rire de regarder les petits trafics et autres comportements peu reluisants. Lui observe avec lucidité mais sans cruauté une société enkystée et un homme dont la vie se désagrège. Dans les deux cas, le même parfum de désillusion. 

LA FICHE

Drame de Cristian Mungiu – avec Maria Drăguș, Adrian Titieni, Lia Bugnar, Mălina Manovici et Vlad Ivanov – Durée : 2h07 – Sortie : date non déterminée
Synopsis : Romeo, médecin dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en œuvre pour que sa fille, Eliza, soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité qui ne devrait pas poser de problème : obtenir son baccalauréat. Mais Eliza se fait agresser et le précieux Sésame semble brutalement hors de portée. Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions…

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