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"Blue Ruin" : film de vengeance déboussolé dans l'Amérique profonde

Pour ce deuxième film, Jeremy Saulnier joue toujours la carte du thriller teinté de franche violence, après "Murder Party" (2007) où il avait réuni Tim Curry et Forrest Whitaker. Toutefois, les choses sont plus sérieuses, moins conventionnelles et dénuées d'humour, dans un contexte ancré au cœur de l'Amérique, sous un angle plus dérangeant, avec des connotations sociales fortes. Une perle noire.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2min
"Blue Ruin" de Jeremy Saulnier
 (Le Pacte)
La note Culturebox
4 / 5                  ★★★★☆

De Jeremy Saulnier (Etats-Unis), avec :  Macon Blair, Devin Ratray, Amy Hargreaves, Kevin Kolack  - 1h32 -Sortie : 9 juillet 2014

Synopsis : Un vagabond solitaire voit sa vie bouleversée lorsqu'il retourne à sa maison d'enfance pour accomplir une vieille vengeance. Se faisant assassin amateur, il est entraîné dans un conflit brutal pour protéger sa famille qui lui est devenue étrangère.

Trauma
"Blue Ruin" suit dans ses premières scènes les pérégrinations de Dwight, un sans-abri qui squate à droite à gauche, quand il ne vit pas dans sa vieille Pontiac bleue en ruine, d'où le titre "Blue Ruin". Très belle entrée en matière, où s'instaure un rapport intime avec ce personnage hirsute, en constante quête de nourriture, de vêtements, d'une douche… On ne sait rien de lui, et son mutisme participe d'une belle leçon de cinéma, où l'image se suffit à elle-même. On retrouve dans ces séquences le Jeremy Saulnier, directeur de la photographie des films de Mattew Porterfield, "Hamilton", "Putty Hill" et "I Used to Be Darker", où transpire le quotidien sous un jour décalé.

Rapidement, l'intrigue est introduite pour dévoiler les raisons qui l'on poussé sur cette voie : un traumatisme familial. Il va suivre une quête vengeresse, dont chaque étape est éclaboussée de sang, renvoyant au trauma originel. Sans complaisance, Jeremy Saulnier ne nous épargne rien de ces moments de violences bruts et graphiques, où l'hémoglobine gicle avec un réalisme sans rapport aucun avec son traitement dans les films d'horreur, ce que "Blue Ruin" n'est assurément pas.
 

Bonnie Johnson dans "Blue Ruin" de Jeremy Saulnier
 ( © Wild Side Films / Le Pacte )

Pontiac bleue
Le désespoir, sinon la désespérance habite le film, dont le très beau titre traduit tout le propos par la métaphore du véhicule délabré de Dwight, qui va devenir un élément essentiel de l'intrigue. Cette Pontiac bleue en ruine, c'est un peu un résumé de la sa vie. Comme ersatz de son passé, comme lieu de résidence de son existence de sans-abri, comme indice mettant ses ennemis sur sa voie, et sur celle de sa sœur menacée, comme lieu où va basculer sa vie…

La photogénie de "Blue Ruin" participe pour beaucoup des qualités du film, créant des atmosphères sombres, poisseuses, irriguées par un quotidien ausculté de l'intérieur. Un thriller atypique nourri au sirop de la rue, maîtrisé de bout en bout.

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