"Beaucoup de bruit pour rien" : une laborieuse modernisation de Shakespeare
De Joss Whedon (Etats-Unis), avec : Amy Acker, Alexis Denisof, Clark Gregg, Jillian Morgese, Reed Diamond - 1h48 - Sortie : 29 janvier 2014
Synopsis : De retour de la guerre, Don Pédro et ses fidèles compagnons d’armes, Bénédict et Claudio, rendent visite au seigneur Léonato, gouverneur de Messine. Dans sa demeure, les hommes vont se livrer à une autre guerre. Celle de l’amour. Et notamment celle qui fait rage entre Béatrice et Bénédict, que leur entourage tente de réconcilier tout en essayant de déjouer les agissements malfaisants de Don Juan.
Elégance
« Beaucoup de bruit pour rien » demeure une des rares comédies de Shakespeare, avec « Le songe d’une nuit d’été » et "Tant qu'il vous plaira". En l’adaptant à notre époque contemporaine, Joss Wetton garde la langue élisabéthaine du dramaturge, en faisant des princes et ducs originels des nantis de nos sociétés actuelles. On n’en connaît toutefois pas vraiment la nature : politiques, traders, industriels ? Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont tous, ou presque, jeunes et avides. Et que leur cynisme dominant va bientôt se retourner contre eux.
Ce transfert de pouvoir indéfini permet d’actualiser le récit tout en restant dans le mythologique. Sont-ce des dieux, des aristocrates, des nouveaux riches, des arrivistes, tous prêt à dévorer l’autre pour dominer ? Le choix du filmage en noir et blanc va dans le même sens en empruntant à une forme classique qui apporte de l’élégance à l’image. Mais aussi à l’ensemble de la mise en scène qui valorise notamment les costumes, sobres et stylisés. Sous les oripeaux policés demeure cependant une sauvagerie primale qui va se craqueler par les sentiments.
Shakespeare prend le dessus
Ce qui va dans le sens d’une adaptation pertinente de Shakespeare, est freiné par une mise en bouche extrêmement laborieuse. Le premier acte, la présentation et la rencontre des personnages, peut décourager, tant la mise en scène tâtonne, sans savoir où elle va, en accumulant un verbiage envahissant qui nous échappe par le manque de texture de personnages mal cernés. On décroche et un véritable effort est nécessaire pour espérer que les choses s'arrangent. Beaucoup d’ailleurs quittaient la salle lors des premières projections.
Heureusement, dès que les intrigues prennent forme, le film trouve son rythme… grâce à Shakespeare. Autant toute une première partie essaye d’imposer une adaptation bancale, autant la suite voit le dramaturge prendre le dessus et le cinéaste s’y adapter. Dès ce basculement, le film trouve sa consistance et devient vraiment passionnant, alliant à la fois le texte et la mise en scène. Comme quoi, tout ce bruit voué à « moderniser » Shakespeare (comme s’il en avait besoin), n’est pas totalement vain.
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