"Avant que les flammes ne s'éteignent" : dans l'intimité des victimes de violences policières

Mehdi Fikri signe un premier film d'utilité publique. Il raconte, de l'intérieur, le drame de ceux qui se battent pour faire reconnaître que l'un des leurs a été victime d'une bavure policière.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Photo du premier film de Mehdi Fikri, "Avant que les flammes ne s'éteignent" qui sort en salles le 15 novembre 2023. (BAC FILMS)

Malika (Camélia Jordana), qui vend sur les marchés avec son compagnon Adel (Sofian Khammes), reçoit un premier coup de fil. Son frère Driss (Sofiane Zermani) lui apprend que l'autre garçon de la fratrie, Karim (Larry) a été interpellé par la police. Elle raccroche rapidement, excédée par les embrouilles du jeune homme avec qui elle a coupé les ponts, justement pour sa propension à en créer.

Quelques heures plus tard, la jeune femme reçoit un autre appel. Cette fois-ci, Driss lui annonce que Karim est à l'hôpital. Il n'en ressortira pas. Pour Malika, c'est le début d'une bataille dont les adversaires sont quasiment tout-puissants puisqu'ils appartiennent aux forces de l'ordre. Mehdi Fikri fait le récit d'un combat à la fois personnel et familial dans son premier film, Avant que les flammes ne s'éteignent, en salles le 15 novembre.

Une famille qui ne peut pas faire son deuil

Karim serait, selon la police, mort à la suite "d'une crise convulsive due à l'usage de drogue", en d'autres termes d'une crise d'épilepsie qui met "hors de cause" la police dans cette tragédie. Il n'en faut pas plus pour embraser cette cité de Strasbourg où vit la famille de Malika, d'origine algérienne. Pour ses amis et les jeunes du quartier qui manifestent, il ne fait aucun doute que "c'est la police (qui) a tué" Karim. Son père veut l'enterrer au plus vite, mais le corps du jeune homme est devenu une preuve, leur apprend un militant politique du quartier incarné par Samir Guesmi.

Avant que les flammes ne s'éteignent est une fiction inspirée "des histoires bien réelles de nos familles", peut-on lire avant le générique de fin du film. Regarder ce long métrage, c'est se plonger dans les affaires de répression policière qui tournent mal et qui font la une de la presse depuis le début des années 1990 en France. À l'instar de la mort d'Adama Traoré le 19 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise) après une interpellation musclée ou encore, récemment, celle de Nahel Merzouk tué par le tir d'un policier, à Nanterre, le 27 juin 2023.

Un douloureux parcours du combattant 

S'informer sur la manière de dénoncer la bavure policière, trouver un avocat – Malika doit courir après Maître Harchi (Makita Samba) pour qu'il accepte son affaire –, engager une action judiciaire et s'en donner les moyens financiers et humains sont les défis auxquels sont confrontées toutes ces familles endeuillées. La transformation de l'aînée de la famille, Malika, en spécialiste du droit et en égérie médiatique est minutieusement décrite dans une mise en scène concise. D'autant qu'elle doit se faire dans un espace-temps limité auquel renvoie le titre du film.

Mehdi Fikri n'oublie pas d'évoquer la dimension sacrificielle, incarné par Driss, que comporte le combat que mènent tous les David contre les Goliath, car la police reconnaît difficilement les torts des siens. Camélia Jordana a choisi d'incarner Malika avec stoïcisme, lui insufflant ainsi un sang-froid à toute épreuve, qui transpire dans la scène dont est extraite la photo de profil utilisée pour l'affiche de la fiction. Ce qui confère une vraie intensité à la volonté de la jeune femme d'obtenir justice pour un frère, qui n'était évidemment pas un saint, mais dont les droits les plus élémentaires ont été bafoués lors de son interpellation. 

La justesse d'un ensemble

Ce que raconte Fikri dans Avant que les flammes ne s'éteignent a été évoqué à maintes reprises dans les médias. À ce titre, le spectateur pourrait se sentir blasé en découvrant son œuvre. Seulement, le film prend aux tripes parce qu'il met en images le drame de toutes ces vies perdues à cause du délit de faciès – parfois résumé dans l'expression consacrée "connu des services de police". Fikri fait du spectateur un témoin privilégié, en lui donnant accès à l'inaccessible, à savoir les émotions et les questionnements de chacun des membres d'une famille interprétée par un ensemble de comédiens dont la performance sonne juste.

"J’ai écrit sur ce que je connais. Les films sur les cités sont souvent des tragédies, au sens antique du terme : avec des personnages impuissants qui finissent brisés par un environnement plus fort qu’eux", note Mehdi Fikri, scénariste qui fut journaliste à L'Humanité, où il a couvert les violences policières. Avec sa première fiction, il leur donne définitivement droit de cité. 

L'affiche du film "Avant que les flammes ne s'éteignent". (BAC FILMS)

La fiche

Genre : drame
Réalisateur : Mehdi Fikri
Distribution : Camélia JordanaSofiane ZermaniSofian Khammes, Sonia Faidi, Makita Samba et Samir Guesmi
Pays :  France
Durée : 1h36
Sortie : 15 novembre 2023
Distributeur : Bac Films

Synopsis : Suite à la mort de son petit frère lors d’une interpellation de police, Malika se lance dans un combat judiciaire afin qu’un procès ait lieu. Mais sa quête de vérité met en péril l’équilibre de sa famille.

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